Les propositions de loi

Olivier Cadic, Olivier Cigolotti 30/10/2019

«PROPOSITION DE RÉSOLUTION UC - VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS AU VENEZUELA : DISCUSSION GÉNÉRALE»

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  • M. Olivier Cadic, auteur de la proposition de résolution . - Cette proposition de résolution a pour objet de renforcer les sanctions contre les responsables des violations des droits humains au Venezuela et de soutenir le dossier déposé devant la Cour pénale internationale par six pays ; les responsables de ces crimes doivent être condamnés. Merci à tous ceux qui ont soutenu ce texte. Cette proposition de résolution trouve sa source dans l'audition le 29 mai, à l'initiative de Christian Cambon par la commission des affaires étrangères, de Lorent Saleh, prix Sakharov 2017, qui nous a décrit les traitements inhumains qu'il a subis dans une cellule de torture dénommée « la tombe ». Ce cas est hélas loin d'être isolé.
    Depuis 2014, 14 471 personnes ont été arrêtées pour des motifs politiques au Venezuela et plus de 400 sont encore en prison aujourd'hui. En 2019, plus de 50 manifestants ont été abattus par les forces de l'ordre ou les Colectivos, nom donné aux groupes paramilitaires. Dans ce pays, la violence est une politique d'État. Quelque 18 000 personnes ont été tuées depuis 2016, selon l'ONU, qui voit dans la violence un « modèle de conduite systématique ».
    Nous avons tous reçu une lettre du représentant de Nicolás Maduro en France, qui nie les faits - c'est le propre des régimes criminels. Pourtant, le 4 juillet dernier, la Haute commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet a pointé un « nombre extrêmement élevé d'exécutions extrajudiciaires ». Entre le début et la fin de ce débat, il y aura eu deux morts assassinés pour « résistance à l'autorité ». Ils auront subi le sort de Fernando Albán, jeté du dixième étage par le service d'intelligence militaire du régime, ou d'Edmundo Rada, kidnappé, torturé, assassiné, son corps calciné, au moment même où le Venezuela obtenait son siège au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.
    Son crime ? Être un leader politique apprécié à Petare, le barrio - le bidonville - le plus grand du pays.
    Personne ne doit ignorer que Nicolás Maduro et ses appuis militaires persécutent, font disparaître et massacrent la population vénézuélienne.
    Le Venezuela a les réserves pétrolières les plus importantes du monde, avec 297 milliards de barils, selon l'OPEP. Mais l'inflation y a atteint un million de pour cent en 2018 et il en ira de même en 2019. La pauvreté frappe 94 % des Vénézuéliens. Ils subissent de graves pénuries d'eau et de médicaments. Au moins 80 % de la population est en situation d'insécurité alimentaire. 
    Pourquoi ce pays si riche est-il devenu si pauvre ? Parce que le chavisme s'appuie sur une corruption endémique. Le régime tient car il utilise illégalement des ressources de la forêt amazonienne, dans l'Arco Minero, qui regorge de réserves exceptionnelles en or, diamants, cuivre, fer et coltan. L'exploitation de pierres précieuses se fait avec des substances toxiques et les populations indigènes sont spoliées. 
    Le Venezuela est un État failli où les groupes criminels font partie des forces de l'ordre. Il est soutenu pour des raisons géopolitiques par des États peu regardants sur les droits de l'Homme : Turquie, Russie, Chine, Iran ou Cuba. En vingt ans de chavisme, 393 milliards d'euros d'actifs issus de la corruption sont sortis du pays, alors qu'il connaît la pire crise humanitaire de son histoire. 
    Les Vénézuéliens partent massivement. Chaque jour, 5 000 personnes traversent la frontière à la recherche d'une vie digne. Ils sont actuellement plus de 4,5 millions ; d'ici 2020, ils seront plus de 8 millions. C'est plus que le nombre de Syriens ayant quitté leur pays en guerre.
    La France doit montrer aux Vénézuéliens qu'ils ne sont pas seuls. Notre pays, puissance de paix, soutient toutes les médiations pour sortir de ce drame par une voie politique, et je souhaite remercier le Gouvernement pour cela. Je salue le travail de Romain Nadal, notre ambassadeur à Caracas. Mais la France, berceau des droits de l'Homme, ne saurait être un sanctuaire pour les responsables des violations des droits de l'Homme.
    Des sanctions de l'Union européenne doivent être appliquées sur tout l'espace Schengen. Les autorités doivent être vigilantes sur les liens avec le narcotrafic. Enfin, la France devrait rejoindre les pays signataires de la plainte devant la CPI. 
    Je salue la présence en tribune de Mme Zubillaga, représentante du président par intérim Juan Guaido. 
    Je compte sur vous pour voter cette proposition de résolution. 
  • M. Olivier Cigolotti . - Syrie, Sahel, détroit d'Ormuz, Corée du Nord, Algérie, Liban, Chili... Les foyers de crise sont si nombreux et complexes qu'ils nous font oublier ceux qui perdurent depuis longtemps. Cette proposition de résolution remet sur le devant de la scène le Venezuela.
    Il n'a pourtant jamais été aussi urgent de venir en aide à ce pays qui a longtemps été la nation la plus prospère et développée de l'Amérique latine, avec Caracas comme perle du continent, et qui s'enfonce dans une crise humanitaire sans précédent depuis que le pays a détruit son économie en soumettant toute son économie au prix du baril de pétrole. 
    Alors que crise politique et crise économique se nourrissent l'une l'autre depuis maintenant des années, des vents contradictoires soufflés par la communauté internationale viennent attiser les braises.
    Quelle ironie que cette crise ait réactivé un clivage stratégique que l'on croyait disparu depuis les années 1990 ! Alors que Juan Guaido est en effet reconnu par le Groupe de Lima, les États-Unis et la quasi-totalité de l'Union européenne, Maduro, lui, a pour soutien la Chine, la Russie, la Turquie, l'Iran, le Nicaragua et Cuba : que du beau monde !
    Les Vénézuéliens souffrent et s'exilent en nombre vers les pays voisins : 10 % d'entre eux sont déjà partis, parce qu'ils ne supportent plus les pénuries de médicaments, les coupures d'eau et d'électricité, l'inflation qui se compte en millions de pourcents et l'insécurité croissante.
    La France n'est pas restée indifférente et a durci sa position à l'égard de Maduro. En 2018, elle a apporté son soutien à la demande d'ouverture d'une enquête par la CPI à l'encontre de Maduro par cinq États d'Amérique latine et du Canada. Elle a reconnu Guaido comme président chargé de la mise en oeuvre d'un processus électoral dès le 4 février 2019.
    L'Europe n'est pas non plus restée les bras croisés, comme en témoigne la conférence internationale tenue récemment à Bruxelles. Cette proposition de résolution va dans le bon sens. L'État français doit soutenir la procureure de la CPI Fatou Bensouda pour que soient condamnés les auteurs de violation des droits humains.
    Pour la première fois, des États et non plus des individus, ont porté plainte contre un autre État devant la Cour pénale internationale. La France a déclaré son soutien à cette démarche, mais n'a pas signé la plainte. Pourquoi ne l'a-t-elle pas encore fait, madame la ministre ?
    Le groupe UC soutiendra cette proposition de résolution et espère que le Gouvernement saura l'entendre.