Les propositions de loi

Affaires sociales
Nathalie Goulet, Chantal Jouanno 28/05/2014

«Proposition de loi visant à modifier le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles- explication de vote »

Mme Nathalie Goulet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la discussion générale, Chantal Jouanno a parlé d’un « conflit de loyautés ». Je trouve l’expression parfaitement opportune. Elle vaut pour les amendements qui ont été déposés. La proposition de loi initiale visait à trouver une solution. Ce dont nous discutons ne peut, d’ailleurs, que nous rappeler nos cours de droit, et le concept de « conditions purement potestatives ». Ces conditions sont réputées non écrites, puisqu’on ne peut décider soi-même de conditions que l’on ne va pas remplir. La rigueur du droit est une chose très importante dans cette maison, monsieur le président de la commission des lois, même si, Chantal Jouanno et d’autres orateurs l’ont souligné, nous en manquons parfois cruellement : quand nous sommes moins rigoureux sur le caractère non normatif et bavard de la loi, on l’a vu à plusieurs reprises ces derniers jours, et dans les mois qui ont précédé ; ce n’est pas nouveau. Ce conflit de loyautés, je reprends les propos de Muguette Dini, se pose entre l’humanité qu’il nous faut pour essayer de résoudre ce problème et la question de la constitutionnalité de certaines dispositions, que nous percevons bien. Vous avez trouvé une cote mal taillée pour y répondre. Néanmoins, la question reste entière. En cela, je rejoins tout à fait les propos tenus à l’instant par Cécile Cukierman. Je dirai même que les amendements déposés posent plus de problèmes qu’ils n’en règlent, en nous obligeant à changer de logique, ce qui n’était pas dans l’esprit des rédacteurs et cosignataires de la proposition de loi, dont je suis. Pour autant, mes chers collègues, peut-on prendre le risque de ne pas voir un délai de prescription allongé de dix ans pour les victimes qui en ont besoin ? Tout cela, madame la secrétaire d’État, mérite une réflexion très approfondie. Voilà sept ans que je suis sénateur. C’est au forceps que nous avons réussi à modifier quelques dispositions relatives à la prescription, dans la loi sur la presse, par exemple. Bien sûr, je ne parle pas des dispositions qui ont trait aux abus de biens sociaux, que l’on ne peut pas toucher. Ce grand débat sur l’harmonisation des prescriptions est un problème absolu, madame la secrétaire d’État. Mais ce qui nous occupe aujourd’hui c’est un problème humain. Je dois dire que je n’ai pas encore décidé si j’allais m’abstenir ou bien voter les amendements présentés par M. le rapporteur, tant le sujet est poignant et important. Je pose néanmoins la question : en restant sur des principes, ne risque-t-on pas d’être à l’origine de plus de victimes, de plus de traumatismes ? En tout état de cause, je remercie Muguette Dini et Chantal Jouanno de nous avoir proposé ce texte, d’avoir fait preuve d’obstination, car ce n’est pas la première fois qu’un tel texte est déposé. Espérons qu’il sera voté aujourd’hui, même si ce doit être dans des termes peut-être insatisfaisants. Espérons, surtout, que l’Assemblée nationale l’examine assez vite, pour que l’on ait moins de victimes à déplorer dans les mois et années qui viennent. (Mmes Chantal Jouanno et Colette Mélot applaudissent.)