Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
Nathalie Goulet 22/07/2014

«Projet de loi autorisant l՚approbation de l՚accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d՚Amérique relatif au respect des obligations fiscales à l՚échelle internationale dite « loi FATCA »»

Mme Nathalie Goulet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation générale qui a été faite. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que ce texte était novateur. Certes, il l’est, mais il est aussi largement espéré. Il était très attendu, et le voilà : aux grands maux, les grands remèdes ! De ce point de vue, c’est indéniable, nos amis américains savent très bien faire ! Après avoir mis à genoux les banques suisses, ils s’attaquent au reste du système mondial – on l’a vu récemment avec l’affaire de la BNP. C’est la version financière du big stick, le bâton plutôt que la carotte : la peur du gendarme outre-Atlantique, la crainte des amendes massives et des interdictions de commercer, synonymes pour les établissements concernés de ruine quasiment immédiate. Je vais, monsieur le secrétaire d’État, m’écarter un peu de mon propos, puisque notre groupe votera évidemment ce texte. J’ai été vice-présidente de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale, remarquablement rapportée par notre collègue Éric Bocquet. J’y ai appris à suivre un processus assez classique : chaque fois qu’il nous est possible de rappeler à cette tribune un certain nombre de principes évoqués par cette commission d’enquête, nous ne manquons pas une occasion de le faire. On a vu avec la BNP et avec les banques suisses le montant des pénalités infligées par les banques américaines. À titre de comparaison, l’AMF, l’Autorité des marchés financiers, fait tout de même pâle figure, puisque ses sanctions pécuniaires vont de 8 000 euros à 14 millions d’euros. Elle a rendu 39 sanctions seulement l’année dernière, contre 686 actions, pour 3 milliards de dollars, pour la Securities and Exchange Commission –  vous voyez qu’on ne boxe pas exactement dans la même catégorie ! (Sourires.) Comme l’a dit M. Marini, nous sommes quelque part dans la diplomatie du dollar, à laquelle il faut manifestement se soumettre, et c’est ce qui s’est passé avec la BNP. Un certain silence règne en France si l’on compare avec ce que dit la presse anglaise. The Economist rappelait que, sur les 7 millions d’Américains vivant à l’étranger, 3 000 expatriés avaient renoncé à la citoyenneté américaine ou à leur green card en 2013, et plus de 1 000 au seuil du premier trimestre 2014. Les exilés fiscaux français ne sont donc pas les seuls à penser que la fiscalité est trop lourde, il y a aussi des Américains exilés qui considèrent que ce FATCA va poser un certain nombre de problèmes et qui n’ont pas l’intention de s’y soumettre. D’ailleurs, des banques ont préféré se passer de clients américains tout simplement afin de ne pas avoir à remplir de formulaires supplémentaires. Sur le plan international, cette loi marque une véritable inflexion dans cette diplomatie du dollar. On a parlé d’impérialisme judiciaire ; pour ma part, je plaiderai plutôt pour l’efficacité. En effet, nous ne sommes pas capables de le faire – il faut attendre l’Europe, encore et toujours attendre ! – alors que nous avons les outils nécessaires. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé tout à l’heure des assurances vie, et le fichier FICOBA a été évoqué. Il se trouve que le 18 juillet 2013 – vous n’étiez pas à ce banc  –, j’avais, dans ce même hémicycle, déposé un amendement identique à un amendement d’Éric Bocquet et qui visait à compléter le fichier FICOBA par le fichier des assurances vie, afin de constituer un petit FATCA national. Le ministre au banc du gouvernement, qui était Bernard Cazeneuve, m’a répondu : « En matière bancaire, c’est une excellente manière d’établir la traçabilité. […] Nous souhaitons mettre en œuvre cette mesure en très étroite liaison avec les compagnies d’assurance –  nous sommes en concertation avec elles pour y parvenir – à la faveur notamment de la réforme de la fiscalité de l’assurance vie, qui interviendra dans les prochaines semaines. « Par conséquent, je vous suggère, madame Goulet, de retirer cet amendement et d’attendre que cette concertation ait abouti pour reprendre cette disposition. » C’est à la page 7 441 du Journal officiel du 18 juillet 2013.
FATCA, avec les Américains, c’est très bien, mais nous avons des outils nationaux qui peuvent aussi combler un certain nombre de trous dans le gruyère… N’y voyez pas une allusion à la Suisse, bien sûr ! (Sourires.) Je veux simplement dire que ce travail qu’essaient de faire en commun les parlementaires, le Gouvernement et d’autres, y compris l’OCDE, vise à faire en sorte de resserrer les mailles du filet.
M. Marini a parlé de l’Iran. Je rentre du Golfe, où j’ai vu ce qui était jusqu’alors absolument inconcevable : des citoyens américains qui avaient en toute quiétude des comptes à Dubaï, à Abou Dhabi ou à Sharjah sont maintenant obligés de passer sous les mêmes fourches caudines que les autres. Ces banques sont en train de renvoyer leurs clients aux États-Unis. Elles s’emploient, en tout cas, à remplir leurs obligations vis-à-vis du FATCA, sinon leurs pays respectifs perdront un certain nombre de contrats ou de couvertures américaines, notamment militaires. Encore une fois, le big stick fonctionne et à un endroit où on ne l’attendait pas ! La commission des finances a auditionné le président du comité fiscal de la Fédération bancaire, qui a bien entendu mis en exergue les frais et les coûts de la mise en place de ce système : pour adapter 200 000 comptes bancaires, cela représenterait quelque 200 ou 300 millions d’euros. Il est parfaitement évident qu’il faudra là aussi prendre les mesures nécessaires. Dans la grande bataille de l’évasion fiscale, l’échange automatique d’informations entre les administrations est une nécessité. Quelles sont les autres initiatives ? Je ne reviendrai pas sur celle qui a été évoquée par Anne-Marie Escoffier : l’OCDE s’est récemment inspirée de la loi FATCA et veut accélérer le calendrier. En toute hypothèse, il va falloir, là aussi, minimiser les coûts pour la place de Paris. Un certain nombre de dispositions s’imposent. Lors de la discussion de la prochaine loi de finances – si, par bonheur, nous pouvons l’examiner dans son intégralité ! – nous devrons proposer un certain nombre de mesures et veiller à ce qu’elles ne soient pas encore repoussées aux calendes grecques au motif que « l’Europe n’a pas décidé » ou que nous sommes tout seuls. Pour moi, ce texte prouve que, à partir d’une initiative valable, on arrive à un certain nombre de résultats. J’ai deux questions à vous poser, qui relèvent presque d’une consultation personnelle. Mère de deux enfants qui vivent aux États-Unis, je me demande comment ce texte va s’appliquer à leurs comptes bancaires, ainsi qu’à ceux de nos collègues français habitant à l’étranger. Notre commission d’enquête a également auditionné un certain nombre de célébrités – n’est-ce pas, cher Éric Bocquet ? –, des gens qui prétendent vivre à l’étranger, mais qui passent en fait la majeure partie de leur temps en France et qui risquent d’avoir finalement un certain nombre de problèmes. Dans quelle mesure ce texte va-t-il toucher les Français de l’étranger ? C’est une question qui me paraît importante et qui mérite d’être soulevée. Il faut également mettre encore la pression sur les territoires non coopératifs. Tout à l’heure, on a signalé au passage les prix de transfert et le traité transatlantique qui va arriver. Avec ce texte, nous ne sommes ni dans la même situation ni dans le même contexte. Il s’agit d’un projet de loi extrêmement important, que nous appelions de nos vœux et que notre groupe soutient dans son intégralité. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe écologiste. – M. Francis Delattre applaudit également.)