Les interventions en séance

Droit et réglementations
Vincent Capo-Canellas 15/05/2014

«Proposition de loi visant à modifier la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté-Deuxième lecture »

M. Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission de lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes tous conscients du caractère très préoccupant de la situation carcérale dans notre pays, laquelle ne va d’ailleurs pas en s’améliorant : le nombre de détenus est supérieur de 34 % à celui qui était constaté en 2002, 44 établissements ont une densité supérieure ou égale à 150 %, et 8 d’entre eux une densité supérieure à 200 %... Dans ce contexte, l’existence d’un Contrôleur général doté de moyens supplémentaires est absolument primordiale. C’est l’objet du texte que nous examinons ce matin en deuxième lecture. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est une autorité protectrice des libertés qui a su trouver sa place dans nos institutions, même si, au quotidien, dans l’accomplissement de ses fonctions, il doit souvent jouer l’équilibriste entre le respect de la dignité de la personne humaine et les considérations d’ordre public. Les débats sur le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits avaient permis de réaffirmer l’indépendance du Contrôleur général, puisque le Sénat avait rejeté son intégration dans le champ de compétences du Défenseur des droits. Cette position avait été portée par la commission des lois et son rapporteur de l’époque, le doyen Patrice Gélard. Comme l’ensemble de mes collègues, je tiens ici à saluer la qualité du travail réalisé depuis 2008 par M. Delarue. Le bilan des six années d’activité du Contrôleur général est largement positif. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, et c’est satisfaisant en termes d’efficacité des politiques publiques : plus de 800 établissements de privation de liberté ont été visités depuis 2008 – les locaux de garde à vue arrivent en tête et représentent plus du tiers des visites réalisées –, 4 000 lettres ont été traitées en 2013 et suivies pour près d’un tiers d’entre elles par une enquête, et, toujours pour l’année 2013, la situation de 1 683 personnes a été portée pour la première fois à la connaissance du Contrôleur général, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2012. Dans un contexte inédit de surpopulation carcérale et de détérioration des conditions de détention qui ne sera jamais assez rappelé à cette tribune, le Contrôleur général a donc su, au fil des années, trouver sa place au sein de nos institutions et devenir le porte-parole et le défenseur des personnes privées de liberté. Les mentalités et les pratiques ont évolué ces dernières années, grâce aux visites et aux observations qui ont été réalisées. Mais beaucoup reste à faire dans nos prisons, le débat que nous avons aujourd’hui est l’occasion de le rappeler. J’aimerais dire un mot notamment sur la pénibilité du travail des gardiens de prison, souvent soumis à des violences physiques ou psychologiques du fait de leurs fonctions. Le récent mouvement social des surveillants pénitentiaires est là pour nous le rappeler. Pour le groupe UDI-UC, il est nécessaire de réaffirmer, voire de renforcer l’une des missions importantes du Contrôleur général, qui est d’alerter les services compétents lorsque les conditions de travail des surveillants deviennent trop difficiles, voire dangereuses. Après plusieurs années d’exercice, il est possible de faire le bilan des activités du Contrôleur général et de s’interroger sur les éventuels aménagements à apporter à la loi du 30 octobre 2007. Plusieurs des aménagements ici proposés visent à pérenniser certaines pratiques mises en place par M. Delarue avant la fin de son mandat, en juin prochain, afin de s’assurer que son successeur continue dans la même voie. C’est notamment le cas de l’article 4 de la proposition de loi, qui prévoit de rendre systématiquement publics les recommandations, propositions ou avis émis par le Contrôleur général, ainsi que les observations des autorités publiques. Il s’agit pour le moment d’une simple possibilité. Rappelons qu’il n’est pas ici question des observations formulées à l’issue de chaque visite qui, elles, n’ont pas vocation à être publiées. Dans le prolongement de la position exprimée par mon collègue Arnaud Richard à l’Assemblée nationale, je tiens malgré tout à formuler une réserve sur l’article 1er A du texte, qui a malheureusement été adopté conforme : il prévoit l’extension du champ de compétences du Contrôleur général aux mesures d’éloignement prononcées à l’encontre d’étrangers. Il semblait préférable d’étudier en amont ce que cet élargissement des compétences impliquait avant de l’adopter. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avec un budget de 4,2 millions d’euros, dispose-t-il vraiment des moyens et des ressources nécessaires pour cette nouvelle mission ? Je me permettrai de rappeler que l’actuel Contrôleur général, Jean-Marie Delarue, s’est lui-même déclaré défavorable à l’extension de ses compétences. Cette mesure nous semble donc être une fausse bonne idée. Lors de l’examen en première lecture, nos collègues députés ont souscrit à l’initiative de Catherine Tasca. Respectant l’esprit du texte adopté par le Sénat, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs aménagements qui améliorent le dispositif. Je tiens à saluer encore une fois notre collègue Catherine Tasca pour le dépôt opportun de ce texte législatif et pour la qualité de son travail de rapporteur. Comme elle, nous pensons qu’il est essentiel de continuer à mieux faire connaître les fonctions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, en particulier auprès des auxiliaires de justice, notamment les avocats. Ces acteurs pourraient sans doute faire parvenir au Contrôleur général des éléments d’information utiles à l’exercice de sa mission. Conscients de l’importance de voir les dispositions de cette proposition de loi entrer rapidement en vigueur et considérant que le texte adopté par les députés est équilibré, nous soutiendrons l’adoption de cette proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. (Applaudissements.)