Les interventions en séance

Yves Détraigne, Françoise Férat, Nathalie Goulet, Valérie Létard, Catherine Morin-Desailly, Vincent Capo-Canellas, Vincent Delahaye, Annick Billon, Philippe Bonnecarrère, Michel Canévet, Elisabeth Doineau, Françoise Gatel, Loïc Hervé, Claude Kern, Anne-Catherine Loisier, Jean-François Longeot, Pierre Medevielle, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, Bernard Delcros, Sylvie Vermeillet, Denise Saint-Pé, Gérard Poadja, Jean-Pierre Moga, Jean-Marie Mizzon, Jacques Le Nay, Michel Laugier, Laurent Lafon, Jean-Marie Janssens, Jocelyne Guidez, Sonia de La Provôté, Dominique Vérien 10/12/2019

«PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020 - LES DISCUSSIONS GÉNÉRALES»

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PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020 - PREMIÈRE PARTIE

DISCUSSION GÉNÉRALE

  • Bernard Delcros - Voici un an éclatait à Paris et partout dans les départements une crise sociale d'ampleur. D'importantes mesures de soutien au pouvoir d'achat ont été prises pour répondre au sentiment d'injustice sociale fiscale et territoriale exprimée avec colère par les Français.
    Derrière les dépenses publiques auxquelles nous consentons, c'est l'humain qui prime. Bien sûr, nous tenons à l'objectif du redressement des comptes publics. Cependant, ne nous trompons pas : nous n'y arriverons pas sans une politique de réduction des inégalités. Pourquoi continuer de poursuivre un illusoire objectif de réduction des effectifs d'agents publics, alors que nous avons besoin d'agents hospitaliers, d'enseignants, de policiers et de gendarmes ? Même si des redéploiements sont nécessaires et des économies possibles dans les agences et organismes satellites de l'État, nous ne pouvons pas casser le service public.
    D'autres marges de manoeuvre existent comme la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales qui a fourni 40 % de recettes supplémentaires depuis l'an dernier, soit 5,6 milliards. Nathalie Goulet y reviendra.
    Cette loi de finances doit tenir compte de la réalité sociale sans perdre de vue le redressement des comptes publics. Le déficit a baissé, mais reste élevé.
    La baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu se fait au profit des premières tranches d'imposition. L'impôt sur les sociétés va continuer à baisser tandis que la suppression de la taxe d'habitation concernera 80 % des ménages en 2020 et la totalité en 2023. Elle donnera du pouvoir d'achat aux Français.
    La réforme de la fiscalité locale se fera selon des modalités assez proches de celles proposées par le Sénat en 2018. Le mécanisme de compensation, qui a suscité l'inquiétude des élus locaux, substituera au montant de taxe d'habitation perdu une nouvelle recette fiscale : les communes recevront la TFPB ; les départements et les intercommunalités bénéficieront de l'effet péréquateur d'une part de TVA reversée. Élu du Cantal, je connais les limites d'une stricte autonomie financière, illusoire. 
    Enfin, la hausse de la péréquation pour les communes et les départements renforce la solidarité en faveur des collectivités territoriales les plus fragiles. 
    Des corrections s'imposent. Le risque de variation du potentiel financier de l'ensemble des collectivités sous l'effet de la suppression de la taxe d'habitation devra être neutralisé.
    Le Cantal verrait ainsi son potentiel financier s'accroître de 12 % et Paris le verrait baisser de 40 %. Il faut absolument éviter cela !
    Les valeurs locatives qui serviront de référence devraient être revalorisées, et ce n'est pas le cas. Le 0,9 % voté à l'Assemblée nationale marque un progrès, mais ce n'est pas suffisant. Enfin, les ressources des départements sur la durée devront être garanties. 
    Notre groupe contribuera activement au débat budgétaire qui s'ouvre. 
  • Vincent Delahaye - L'équilibre, c'est la santé, dit-on. C'est vrai aussi pour le budget. La France fait partie des derniers pays de la classe européenne en matière de déficits. Bizarrement, ce sont les pays en équilibre, voire en excédent comme l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède ou la République Tchèque, où l'on lutte le plus efficacement contre le chômage et l'inactivité. Santés budgétaire, économique et sociale sont liées. Pour lutter contre ces fléaux faut-il plus de dépenses publiques et de déficits ? Non, c'est l'inverse ! 
    Nous sommes tous responsables : dès la moindre montée de température sociale, on répond par plus de dépense publique et de pouvoir d'achat... mais à crédit ! Les Français en demandent toujours plus pour l'éducation, la santé, la défense, la sécurité, les étudiants, la transition écologique...
    Le chômage de masse, les déficits, la dette, on connaît ! Cela depuis quarante ans ! Si la dépense publique faisait le bonheur, nous serions les plus heureux au monde.
    Pour revenir à l'équilibre budgétaire en un an, il faudrait augmenter tous les impôts de 33 %. C'est impossible. Pour en sortir, il faut donc réduire les dépenses publiques.
    Il faut travailler plus. Les 35 heures de Martine Aubry ont été mauvaises, et pas seulement pour l'hôpital.Nous sommes le pays qui travaille le moins, avec un taux de chômage très élevé. Il faudrait que tous les fonctionnaires travaillent 35 heures. Avec le rapporteur général, nous proposerons de porter la durée du travail à 37,5 heures, comme dans le privé.
    Nous en reparlerons, mais je finis mon intervention, monsieur le ministre.
    Il faut être rigoureux sur le temps de travail et astucieux sur la mobilité entre ministères. Par exemple, 25 000 des 800 000 fonctionnaires de l'Éducation nationale sont payés à ne rien faire. Pourquoi ne pas les former pour qu'ils deviennent des greffiers dont l'insuffisance ralentit la justice ?
    Lors de la conclusion du grand débat, le Premier ministre appelait à une culture de la simplification. Le dire, c'est bien ; le faire, c'est mieux. Prenez les fameuses niches fiscales, nous sommes tous responsables. Au nom du groupe UC, je déposerai un amendement pour réduire les taux de l'impôt sur le revenu mais aussi pour supprimer 80 niches fiscales : que les amateurs de niche fiscale se rassurent, il en restera plus d'une centaine sur l'impôt sur le revenu. Pour l'équilibre budgétaire, il faut donc rigueur, astuce et volonté.  
  • Nathalie Goulet - Face à Turgot, cher à Claude Malhuret, je citerai mon père qui disait : « Il vaut mieux devoir que de ne pas pouvoir rendre ».
    Je vous parlerai de la lutte contre la fraude fiscale : l'année a été particulièrement favorable. La fraude fiscale a rapporté cette année 640 millions, 40 % en plus, sans compter le contentieux avec Google, qui doit 465 millions d'euros en plus de son amende de 500 millions d'euros. 
    L'assouplissement du verrou de Bercy a permis 587 dénonciations. La procédure du plaider coupable, pour laquelle nous étions réticents, semble fonctionner avec neuf procédures.Il faut cependant améliorer le contrôle des prix de transfert. Avez-vous les moyens humains suffisants ? Le site de la direction de la vérification nationale et internationale qui s'en occupe n'affiche aucune donnée nouvelle depuis 2016. Pourriez-vous nous apporter des informations sur ces contrôles, notamment sur les échanges automatiques entre États, puisqu'une disposition est applicable depuis le 1er janvier 2018 ? En outre, depuis le 1er janvier 2019, l'instrument multilatéral est entré en vigueur en France, qui a pour objectif de modifier automatiquement des conventions fiscales bilatérales. 
    Certaines conventions bilatérales, notamment avec le Qatar, pourraient-elles être revues, car elles transforment plus ou moins notre pays en paradis fiscal ? 
    La création d'un fichier des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) européen aurait beaucoup d'intérêt pour lutter contre la fraude, notamment avec le développement des banques en ligne. ​En Allemagne, une banque en ligne émet des IBAN FR - la créativité de ces acteurs pose problème. Il faut davantage de contrôles et donc de moyens humains. Les sanctions devront également être exemplaires. Nous serons vigilants à l'adoption de nos amendements.
  DISCUSSION GÉNÉRALE SUR L'ARTICLE 36 (BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE)
  • Philippe Bonnecarrère - Combien de Français connaissent le budget de l'Union européenne ? Très peu. Quelle serait leur perception si on leur donnait le chiffre de 166 milliards d'euros ? Certainement une grande perplexité. Le budget de l'Europe à 28 représente à peine la moitié du budget de notre pays. Nos concitoyens ne peuvent que mesurer le décalage entre les moyens et les missions. Qu'il s'agisse d'une Europe politique ou budgétaire, nos concitoyens ont besoin de pédagogie. Comme le contribuable local a besoin d'une consolidation du budget communal et intercommunal, le contribuable national gagnerait à avoir une vision consolidée des budgets national et européen.
    La contribution de la France au budget européen est de 23 milliards d'euros, en faible augmentation - c'est une bonne nouvelle. Elle devrait augmenter dans le prochain cadre financier pluriannuel. Mais notre pays souffre d'une sous-consommation des crédits européens. J'apprécie votre honnêteté à cet égard, madame la ministre, lorsque vous dites que la complexité administrative est d'origine plus nationale qu'européenne. Nous attendons les simplifications promises.
    L'article 36 pose la question essentielle de l'après 2022. Un budget à 1 % du PIB ou à 1,1 %, 1,2 %, voire 1,3 % comme le mentionnait le président de la commission des affaires européennes ? Comment compenser la perte de la contribution du Royaume-Uni ? Comment financer la lutte contre le réchauffement climatique, l'embryon d'une défense commune, la lutte contre le terrorisme, la question migratoire ?
    Les pays les plus européistes sont souvent les plus mobilisés en faveur de l'orthodoxie budgétaire, ceux adeptes d'une Europe puissance sont plus limités dans leurs moyens. C'est dire l'écheveau à dénouer. Il nous faut privilégier une pédagogie de l'Europe et une appropriation des questions européennes par nos concitoyens. Pourquoi ne pas envisager une initiative telle qu'une convention citoyenne, sur le modèle de celle qui examine en ce moment les questions climatiques ?
 
EXPLICATIONS DE VOTE SUR LA PREMIÈRE PARTIE
  • Sylvie Vermeillet - Nous voici à mi-chemin. Une fois de plus, les votes ont transcendé les clivages sur de nombreux sujets, parmi lesquels l'imposition des personnes et des sociétés, les ressources des collectivités, le verdissement de la fiscalité. C'est la marque de fabrique du Sénat : travail de fond et intérêt général l'emportent sur les incantations. Mais la vitesse d'examen, à un rythme effréné, ainsi que l'ordre dispersé d'examen des articles, ne sont pas satisfaisants. Le simulateur LexImpact nous a permis d'être plus efficaces sur la refonte de l'impôt sur le revenu en particulier : en discussion générale, M. Delcros indiquait que le groupe UC abordait positivement le projet de loi de finances. 
    Nous saluons la diminution de l'impôt sur le revenu sur le dernier décile et la poursuite de la baisse de l'impôt sur les sociétés, et la réforme de la fiscalité des successions et des donations. Le Sénat a voté, à votre initiative, l'exonération des droits de mutation pour les exploitations agricoles, essentielles pour l'aménagement de nos territoires. Nous devons aussi adapter la fiscalité aux évolutions démographiques.
    La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % de nos concitoyens et la réforme de la fiscalité locale sont engagées. Pourquoi décaler la réforme dans le temps ? Elle concerne la revalorisation des valeurs locatives, le renforcement de la garantie de la fraction de TVA affectée aux départements.
    Le groupe UC est favorable à une fiscalité écologie incitative et non punitive. Nous sommes favorables à la révision des 9e et 10e déciles dans le dispositif CITE pour toute rénovation globale. De nombreux impôts ont une finalité redistributive. Si l'on veut supprimer les niches écologiques, encore faut-il prévoir autre chose. ​Espérant que certains apports du Sénat prospéreront après la navette parlementaire, le groupe UC votera la première partie du projet de loi de finances.
  ​PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020 - SECONDE PARTIE : LES MISSIONS
1. MISSION "Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation"
 
  • Jocelyne Guidez - Servir la France sans relâche, malgré l'ennemi, c'était la raison d'être de nos treize militaires tués. J'adresse mes pensées à leurs proches et leur exprime mon total soutien. La guerre, ce n'est pas l'acceptation du risque, du combat mais celle de la mort, comme le disait Saint-Exupéry. À ces femmes et ces hommes, ces pères et ces mères, la République est reconnaissante. Un peuple sans passé serait un peuple sans âme, en perte de direction. La mission « Anciens combattants » est au coeur de l'histoire passée, présente et future de notre Nation. Pour 2020, les crédits diminuent pour atteindre 2,1 milliards d'euros, hormis une augmentation de 700 000 euros pour l'action « Liens armée-jeunesse ». Dans le cadre de la JDC, la prise en compte des transports est revalorisée. Le service militaire volontaire (SMV) est important. À la base militaire de Brétigny-sur-Orge, je rencontre régulièrement ces jeunes pour qui ce service est une seconde chance, que beaucoup saisissent pour réussir ensuite. Les crédits de la politique de mémoire diminuent de 5 millions d'euros. Nous avons inauguré, le 11 novembre, le nouveau monument aux morts des OPEX. Le président de la République a rappelé que la République n'oublierait pas ces morts. Le Gouvernement gagnerait à reconnaître les dissidents d'outre-mer, autre armée de l'ombre qui met du temps à entrer dans la lumière. Je pense aussi aux nombreux porte-drapeaux bénévoles. Comment leur témoigner notre reconnaissance ? Nous regrettons la baisse des crédits pour la reconnaissance des rapatriés. La majoration des pensions militaires d'invalidité perçues par les conjoints survivants de grands invalides est une bonne chose, avec une conséquence budgétaire marginale vu le faible nombre de bénéficiaires. Nous devons avoir une réflexion plus large sur les aidants. Les militaires de Sentinelle devraient obtenir la reconnaissance de la Nation. La baisse de la dotation de l'ONAC-VC est à regretter. N'oublions pas combien l'Office est important, socialement, dans la reconnaissance de la Nation pour ses anciens combattants. L'ouverture d'un nouveau service à l'Institut national des Invalides pour les troubles psychologiques est reportée, alors qu'elle est très attendue. Au-delà même de ce débat budgétaire, soyons vigilants face à la haine, qui n'a pas sa place dans la République. Nous formons un seul bloc, la communauté nationale. Veillons à toujours honorer la mémoire combattante. Madame la ministre, je vous remercie de votre engagement et de l'effort réalisé pour les combattants d'Algérie entre 1962 et 1964. Le groupe UC votera ce texte.

2. MISSION "Ecologie, développement et mobilités durables"
 
  • Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances - Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » regroupe les subventions pour charges de service public du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo France, ainsi que le Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea). Cerema, IGN et Météo France sont dans une situation tendue même s'ils ont gagné en visibilité sur leur trajectoire financière jusqu'en 2022. La baisse de crédits et en ETP ne pourra continuer après cette date. La subvention à Météo France baisse pour atteindre 182 millions d'euros ; les effectifs baissent de 95 ETP. L'établissement va se doter d'un nouveau supercalculateur, investissement de 144 millions d'euros, avec une capacité de calcul cinq fois supérieure. C'est nécessaire, mais il en faudra un nouveau dans six ans. L'État versera 7,7 millions d'euros de subvention à ce titre. L'IGN voit sa subvention baisser pour atteindre 88,5 millions d'euros et perd 39 ETP. Son modèle économique est fragilisé par l'arrivée des open data. Il doit devenir une pièce maîtresse de l'État plateforme pour l'information géographique. Le Cerema va voir ses moyens diminuer de 5 millions d'euros par an jusqu'en 2022, et ses effectifs perdent 101 ETP, soit 5 % en cinq ans. Le Cerema devra travailler davantage avec les collectivités territoriales et l'Agence nationale de cohésion des territoires. Le Bacea porte les crédits de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), dont je salue les équipes, à 2,2 milliards d'euros. Avec un trafic aérien croissant, nous pouvons nous en réjouir ; mais le pavillon français perd 1 % de parts de marché par an depuis dix ans, passant de 54,3 % en 2003 à 40 % en 2018. La disparition de deux compagnies, Aigle Azur et XL Airways, est un signal d'alarme. Madame la ministre, malgré les assises du transport aérien, les mesures concrètes tardent à venir. L'écocontribution n'aura pas d'effet incitatif ; c'est une taxe de rendement qui risque d'avoir un effet de décroissance. Nous voulons favoriser l'achat d'appareils consommant moins de kérosène. L'amendement créant un mécanisme de suramortissement adopté par le Sénat y aidera. Nous devons aussi encourager l'incorporation de biocarburants ou la conception d'avions électrique à l'hydrogène. Le Gouvernement pourrait-il nous éclairer sur ce sujet ? La transition écologique ne se décrète pas. Il faut mixer écologie et compétitivité. Le paradoxe serait que des avions étrangers moins chers, mais plus polluants, prennent la place d'avions français moins polluants, mais plus chers. Les recettes de la DGAC seront légèrement supérieures à celles de 2019, pour 2,1 milliards d'euros, notamment à cause de la restitution aux compagnies de trop-perçus de 2018 au titre de la redevance de route. Les performances de la direction des services de la navigation aérienne restent insuffisantes. Les retards dus au contrôle aérien continuent à augmenter : 6 253 137 minutes en 2018, soit 2,4 minutes par vol en 2018, en raison de l'obsolescence des équipements. Il n'y a pas de suppression d'emplois au sein de la DSNA, mais je m'interroge sur le coût des protocoles sociaux. Je suis solidaire de mes collègues et propose le rejet des crédits de la mission mais propose l'adoption des crédits du Bacea.
  • Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable - Je regrette l'absence d'impulsion au budget de la prévention des risques naturels - dont les inondations dans le Var ont montré toute l'actualité - et le plafonnement du fonds Barnier, qui permet pourtant de sauver des vies. Il faut assurer la mise en oeuvre des plans de prévention. Sur les risques technologiques, la situation est controversée. Il est prévu d'augmenter de 50 % les contrôles des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), mais comment faire, sans effectifs supplémentaires ou sans réduire la qualité des contrôles ? Le plan Santé Environnement ne semble pas avoir apporté les résultats souhaités pour la prévention. Comment sera construit le prochain ? Sera-t-il plus ciblé ? Votre ministère est le deuxième le plus touché par les baisses d'effectifs ; est-ce raisonnable après avoir annoncé que l'écologie était une priorité ? Vous l'avez compris, notre commission a donné un avis défavorable à ces crédits.
  • Jean-François Longeot - La première partie du projet de loi de finances pour 2020 contenait la suppression progressive du tarif réduit de TICPE, y compris pour le transport routier, et la refonte des taxes sur les véhicules à moteur. Le budget prévoit des mesures positives comme la sécurisation du budget de l'Afitf, réclamée par le Sénat. L'augmentation des crédits relatifs aux infrastructures ferroviaires tient compte de la reprise de 25 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau. L'effort d'investissement doit toutefois être poursuivi, pour préserver la desserte fine du territoire. Sur le transport aérien, la stratégie associe assainissement du budget de la direction générale de l'aviation civile et soutien aux lignes d'aménagement du territoire.  En revanche, on constate des faiblesses sur les moyens affectés à l'entretien du réseau autoroutier et le soutien aux collectivités pour l'entretien des ponts. Le sous-investissement dans nos infrastructures est dramatique. Le verdissement de la présentation budgétaire est à saluer, mais l'augmentation de 9 % du budget de la mission tient à une évolution du périmètre, et la diminution des effectifs du ministère est en décalage avec la volonté du Gouvernement de faire de l'écologie sa priorité de l'acte II du quinquennat. Je regrette la stagnation des crédits du transport maritime, alors que nous attendons la nouvelle stratégie portuaire que doit présenter le Premier ministre. Alors que la Commission européenne fait de la relance de l'investissement sa priorité, que Mme von der Leyen prône un Green Deal européen, il faudrait faire évoluer nos règles de compatibilité et exclure du calcul du déficit les investissements de transition écologique. Le groupe UC votera les crédits de la mission.
  • Denise Saint-Pé - Nous ne pouvons plus douter de l'urgence de la transition énergétique, à l'heure où se multiplient les incidents liés au changement climatique. La transformation du CITE en prime ciblée sur les ménages modestes est à saluer. Dommage toutefois d'exclure du périmètre ceux qui réalisent 50 % des travaux de rénovation. Nous déplorons la réduction du périmètre des travaux éligibles au CITE. On aurait pu y introduire les chaudières à gaz, énergie propre et produite en France. L'Assemblée nationale a prévu l'éligibilité des ménages des 9e et 10e déciles pour les travaux d'isolation des parois opaques, étendu l'aide au premier achat d'un appareil de chauffage au bois performant et à la rénovation globale pour les ménages des déciles 1 à 8. Nous sommes satisfaits de la montée en puissance du chèque Énergie et espérons que le taux de recours, qui est de 78 %, progressera encore. Pour cela, il faut mieux faire connaître le dispositif. Nos concitoyens logés en Ehpad devraient pouvoir en bénéficier. Nous saluons la volonté du Gouvernement d'accompagner la fermeture de Fessenheim et des centrales à charbon. Je regrette que des moyens humains supplémentaires ne soient pas attribués au médiateur de l'énergie, alors que le nombre des litiges est passé de 17 000 en 2018 à plus de 20 000. Le soutien à la filière biogaz doit être renforcé. Enfin la réforme du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », prévue par le projet de loi Énergie-Climat, doit entrer en vigueur rapidement pour que les collectivités puissent s'adapter aux nouveaux défis mais aussi pour que le critère de ruralité reflète mieux la réalité des territoires. Le Gouvernement poursuit avec détermination dans la voie de la transition énergétique, même s'il reste beaucoup à faire. Nous voterons ces crédits.
 
3. MISSION "Enseignement scolaire"
 
  • Dominique Vérien  - Depuis deux ans, vous avez mis en place des mesures visant à une meilleure prise en charge des élèves : dédoublement des classes de REP et REP+, réforme du bac, scolarisation obligatoire dès 3 ans. Le groupe UC vous a soutenu dans cette entreprise. La revalorisation des rémunérations dans le cadre du PPCR est utile et indispensable. Les salaires des enseignants sont en effet inférieurs à ceux des autres fonctionnaires et restent disparates entre le primaire et le secondaire. Cependant, le PPCR valorise surtout la fin de carrière, ce qui peut interroger pour la réforme des retraites par points. Il faudrait une revalorisation sur l'ensemble de la carrière si l'on veut rendre à ce métier son attractivité. Une inquiétude persiste dans les territoires ruraux, car il faudrait 7 à 8 000 enseignants supplémentaires pour assurer le dédoublement des classes, en REP et REP+, et le plafonnement à 24 élèves des autres niveaux. Avec 440 postes supplémentaires, et un déploiement sur la base d'une moyenne départementale, ce qui ne signifie rien dans les départements ruraux, il est à craindre qu'il faille déshabiller Pierre pour habiller Paul. Certes, aucune école ne sera fermée mais on peut craindre que des classes ne le soient. Pourtant, on apprend mieux dans une classe non surchargée et quand on n'a pas deux heures de transport pour aller à l'école. Le petit-déjeuner que vous avez mis en place sera-t-il pris sur le temps scolaire ? Qui le servira en primaire où il n'y a pas d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) ? Laurent Lafon demandait un observatoire de la scolarité en milieu rural. Aucun bilan n'a été fait depuis 1995. Cet observatoire aurait un coût, mais le recueil des données est un devoir. Malgré ces réserves, nous voterons les crédits de la mission. 
  • Annick Billon  - Je renouvelle mon soutien aux agriculteurs en cette journée de mobilisation. Je me félicite de l'augmentation des crédits du programme de l'enseignement agricole, trop peu connu et mal considéré qui, avec moins de 100 000 inscrits, avait atteint en 2017 son plus bas niveau depuis 1996, même si l'on peut se réjouir de 750 inscriptions supplémentaires en 2019. Pour le revaloriser, il faut élargir le panel des disciplines aux sciences économiques et sociales, au numérique et aux sciences informatiques ou à l'agroécologie. La suppression des aides fléchées pour les très petites entreprises vers les diplômes post-bac est une mesure inquiétante dans la mesure où la discipline la plus recherchée est le BTS analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole. Un dernier mot sur les AESH dans l'enseignement agricole, particulièrement inclusif : leur affectation prend du retard et la pérennisation du personnel est difficile. En Vendée, 48 ont démissionné depuis la rentrée. Le rôle des assistants d'éducation est essentiel mais dans l'enseignement agricole, leur rémunération n'a pas été revalorisée. Le différentiel est de 1 411 euros ; il faut y remédier. Le groupe UC votera les crédits du programme « Enseignement technique agricole ».
 
4. MISSION « Sport, jeunesse et vie associative »
 
  • Claude Kern . - À première vue, le budget des sports connaît plus 8 % de hausse. Mais le déséquilibre est flagrant, entre les crédits de l'ANS qui restent stables, tandis que 129 millions d'euros sont consacrés aux ouvrages olympiques et que Solidéo investit 3,5 milliards d’euros... Les Jeux Olympiques et Paralympiques sont un véritable challenge, et nécessitent un effort financier que nous saluons. Un budget est d'abord une volonté politique, une grande ambition. Cessons de négliger associations, infrastructures, participation de tous sur les territoires. Créons une politique en adéquation avec la réalité du terrain. Or, le sport pour tous n'est pas le principal bénéficiaire de ce budget. Le budget des sports baisse de 11 % depuis 2015 à périmètre constant. Or les 3 taxes affectées produisent 180 millions d'euros de ressources ! Il fallait les déplafonner ou augmenter leur plafond, compte tenu de leur dynamique, pour soutenir pratiques sportives et collectivités territoriales, afin d'atteindre plus de 3 millions de participants en 2024. Notre amendement, avec M. Savin, pour maintenir la taxe Buffet, y contribuera, j'espère qu'il prospérera. Nous souhaitons un jaune budgétaire sur le sport. Les règles budgétaires nous contraignent. Nous n'avons aucune marge de manoeuvre. Il faut prendre à la jeunesse pour donner au sport et inversement. De nombreux points restent en suspens. Ce budget marque le désengagement de l'État dans les associations, pourtant essentielles au maillage social. Impliquons tous les acteurs pour développer de nouveaux outils et soutenir l’emploi. Quelle est la position du Gouvernement sur le bénévolat ? Le FDVA aide à leur formation. Qu'en sera-t-il demain ? La réserve parlementaire et les contrats aidés ont disparu. La nouvelle ligne budgétaire de 30 millions d'euros pour le SNU est une bonne chose, à condition qu'elle s'accompagne d'une bonne coordination avec le service civique, qui doit pallier les contrats aidés. Nous saluons l'effort du Gouvernement en faveur du sport, mais nous déplorons que les territoires soient délaissés. Le groupe UC votera les crédits mais exercera son droit de regard et appellera à des aménagements.
 
5. MISSION « Sécurité » 
 
  • Nathalie Goulet . - Je remercie M. Bonnecarrère de m'avoir laissé 50 % de son temps de parole. Je salue à mon tour les forces de police et de gendarmerie. Merci, monsieur le ministre, d'avoir enfin publié le document de politique transversale sur la prévention de la délinquance et de la radicalisation. Le renseignement est au coeur de notre dispositif de lutte contre le terrorisme. La confidentialité est entendable, mais nous pourrions avoir quelques éléments chiffrés sur les moyens de nos services via la délégation au renseignement. On parle souvent de moyens, mais il y a aussi les résultats. En 2018, plus de 20 000 personnes ont été suivies dont 2 594 personnes ont fait l'objet d'une surveillance particulière ; 2 133 lieux de culte salafistes ont été surveillés dont 35 ont été fermés. Le Gouvernement a montré une vraie volonté en la matière. J'aimerais que soit évalué le comité de prévention de la délinquance et de la radicalisation, dont vous avez lié le sort à celui de la Miviludes. Le groupe Les Républicains a demandé une commission d'enquête sur la radicalisation. Je ne sais si nous apprendrons de nouvelles choses... Il faut surtout travailler ensemble. Le groupe UC soutiendra toutes les mesures de lutte contre la radicalisation. 
  • Philippe Bonnecarrère . - Avec plus de 3,9 % en crédits de paiement quand notre PIB augmente de 1,2 %, la mission « Sécurités » est en nette progression. Plus de 1 000 policiers et 490 gendarmes renforceront les capacités de notre pays. Ce n'est pas rien, à l'heure de l'exécution de la loi de programmation militaire. Le cap du régalien est tenu. L'augmentation la plus marquée concerne les actions 1 « Ordre public » et 4 « Police des étrangers », conformément aux attentes de nos concitoyens. La commission des lois a estimé que les crédits alloués à l'équipement des forces de sécurité étaient trop limités. C'est vrai, mais il faut nuancer car des engagements ont été pris sur la revalorisation des rythmes de carrière, l'amélioration des conditions de travail, les jours de repos et le paiement des heures supplémentaires. Tout cela favorise l'amélioration des conditions de sécurité dans ce pays. Alain Richard le disait : en matière de sécurité, il faut savoir ce que l'on veut. Capacité d'organisation, qualité d'exécution au quotidien, bonne gestion des hommes et des femmes qui exercent les missions, exacte mesure des menaces, sont des critères essentiels. Notre pays est plus réputé, pour ses idées que pour sa ténacité à les mettre en oeuvre. Les conditions de recrutement ne doivent pas être dégradées. 
 
6. MISSION « Immigration, asile et intégration » 
 
  • Philippe Bonnecarrère . - Ce sujet n'est pas franco-français, mais européen. Son volet budgétaire n'est que second par rapport à la question principale : en quelle mesure les Européens seront-ils capables de se concerter pour faire face aux enjeux. Nous souhaitons faire des propositions pour combattre le sentiment d'impuissance de l'État en matière d’immigration. En matière d'asile, il faut être capable de dire : oui veut dire oui, et non veut dire non. Nous avons apprécié la volonté du Premier ministre de mener un débat sur ces questions devant la Représentation nationale il y a quelques mois. Notre groupe avait alors fait des propositions, notamment celle d'un droit européen au mieux harmonisé et a minima convergent - cela supposant sans doute une coopération renforcée entre au moins neuf pays. Nous prônons aussi un renforcement de l'espace Schengen et la mise en place d'une interface de recherche unique : les systèmes d'information sont actuellement trop nombreux ! Il faut simplifier les procédures d'éloignement - c'est ce qui manquait dans la loi Asile et Immigration. Nous saluons l'initiative prise par le Premier ministre auprès du Conseil d'État pour étudier cette question. Les requêtes devant les juridictions administratives ont augmenté de 38 000 depuis trois ans, dont 35 000 liées au droit des étrangers. La coopération avec les pays d'origine est essentielle, tout comme la question des quotas. Une partie du budget concerne l'augmentation des moyens du programme 303 de 7,98 %. Nous constatons aussi une hausse des moyens en matière d'intégration par le travail et par une meilleure pratique du français. L'Ofpra bénéficie de plus de 200 postes supplémentaires, ce qui est considérable. Connaissez-vous une autre agence qui connaisse une telle augmentation ? La réduction des crédits en matière de lutte contre l'immigration irrégulière pose la question de l'exécution des mesures d'éloignement. Monsieur le ministre, y a-t-il des éloignements qui ne seraient pas exécutés pour des raisons financières ? Pour le reste, ce budget va dans le bon sens.
 
7. MISSION « Administration générale et territoriale de l’Etat » 
 
  • Nathalie Goulet . - Je ne peux que déplorer la baisse des effectifs du réseau préfectoral et le transfert de certains services aux communes et intercommunalités via les maisons de services au public et maisons France service, qui me laissent dubitative. L'illettrisme numérique est une réalité dans les territoires ruraux. La dématérialisation systématique et rapide des procédures mettra en difficulté un certain nombre de personnes fragiles, déjà victimes de l'absence de mobilité. Le rapport consacre de longs développements à la fraude documentaire. Auditionné dans le cadre de la mission qui m'a été confiée par le Premier ministre sur la fraude sociale, Jean-Michel Brevet, chef de la division de l'expertise en fraude documentaire, relevait les failles du système de communication électronique des données de l'état civil (Comedec), et notamment l'obtention frauduleuse de documents authentiques sur la base de faux justificatifs. Pour les actes d'état civil, on n'a jamais voulu prévoir un formulaire sécurisé. Il est indispensable que les actes d'état civil soient normés avec un document Cerfa. Seules les 600 communes ayant une ou plusieurs maternités, les notaires, les caisses de sécurité sociale se connectent à Comedec. Vous avez multiplié l'utilisation du certificat électronique visible pour limiter la fraude documentaire. C'est une voie à suivre. En juillet, la Côte d'Ivoire a voté une première loi-cadre pour rendre obligatoire l'enregistrement à l'état civil. Le Burkina-Faso a fait de même, comme le Tchad - où selon l'Unicef, seul un enfant sur dix serait enregistré ! - et le Niger. Il faut engager une politique ambitieuse de lutte contre la fraude documentaire. L'Unicef et l'Union africaine sont mobilisés. Le groupe UC votera ce budget.
 
8. MISSION « Pouvoirs publics, conseil et contrôle de l’Etat, direction de l’action du gouvernement » 
 
  • Michel Canevet, rapporteur spécial de la commission des finances . - La mission « Direction de l'action du Gouvernement » comportait les programmes 129, 308 et 333, mais le programme 333 a été transféré à la mission « Administration territoriale et générale de l'État ». Les dépenses de personnel diminuent et le transfert des quelque 255 postes rattachés au Secrétariat général de la défense et de la sûreté nationale (SGDSN) ne sont pas compensés par les 42 postes créés par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), chère à M. Cadic, les 13 du groupement d'intérêt public (GIP), les 10 pour la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) et les 15 pour la Haute Autorité de la transparence de la vie politique (HATVP). Les dépenses d'investissement augmentent de 10 millions d'euros, surtout pour les projets interministériels de défense et de sécurité. La Miviludes est désormais rattachée au ministère de l'Intérieur, au Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). L'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), dont le budget est de 6 millions d'euros, sera supprimé en 2020 par décision du Premier ministre. Je proposerai un amendement de réduction des crédits. Le budget et les effectifs de la Direction de l'information légale et administrative (DILA) sont en baisse continue : ils ont été réduits de moitié depuis dix ans. Les exonérations de formalités administratives de la loi Pacte en sont partiellement responsables. Les effectifs ont été regroupés sur deux localisations. Les sites internet Légifrance, vie-publique et service-public sont progressivement modernisés. Ce budget répond aux objectifs de réduction de la dépense publique, ce qui a motivé l'avis favorable de la commission des finances. 
  • Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères . - C'est au nom de M. Mazuir que je m'exprimerai sur le programme 129, pour soutenir l'effort de sécurisation des réseaux de l'État et exprimer notre incompréhension sur la suppression de l’INHESJ. Pour la sécurité, il sera désormais possible de recruter des cadres de haut niveau, en assouplissant les règles salariales, afin d'attirer des spécialistes. À partir de 2020, le programme 129 n'aura plus à financer la mise à disposition de militaires auprès de l'Anssi et du SGDSN. C'est un jeu à somme nulle pour le budget de l'État, mais le titre II ne reflétera plus fidèlement les charges de personnel et nos comptes publics se transformeront en usine à gaz. On est loin de l'esprit de la LOLF… En 2018, l'Anssi a traité 78 attaques informatiques, dont 15 majeures et 3 motivant une réponse de cyberdéfense. Les attaques visent prioritairement l'Éducation nationale, le ministère des Armées et celui des Affaires étrangères. Mais les réponses sont insuffisantes et la vulnérabilité de ces institutions, inquiétante. Les plans ministériels pour renforcer la sécurité sont sous-financés. Les hôpitaux restent particulièrement exposés. La rénovation des moyens de sécurité numérique passe par la reprise de la croissance des effectifs de l'Anssi, ralentie depuis deux ans. Sans portage politique majeur, ni outils coercitifs, il sera difficile de rompre avec la logique de réduction des coûts de financement, aux dépens hélas de la sécurité des systèmes d’information. Dernière observation, concernant la suppression de l'INHESJ, devenu pourtant opérateur de référence et lieu de constitution d'un référentiel commun entre sécurité et justice. La commission des affaires étrangères ne comprend pas cette décision, elle attend des réponses du Gouvernement. La pérennité de l'Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN) est assurée, mais sa trajectoire financière n'est pas acquise. Notre commission des affaires étrangères avait proposé un avis favorable à l'adoption des crédits, avant le coup de rabot infligé à l'Anssi, en seconde délibération à l'Assemblée nationale. Nous soutiendrons le rétablissement de ses crédits. 
  • Nathalie Goulet . - Sur la mission « Pouvoirs publics », l'Assemblée nationale coûte 8 euros par personne et par an et le Sénat moins de 5 euros, soit la moitié d'un paquet de cigarettes. Il est bon, du point de vue pédagogique, de le rappeler… Moi qui ai beaucoup travaillé sur la radicalisation, je voudrais vous parler de la Miviludes, dont l'absorption par le CIPDR pose question. Nous ne connaissons pas la méthode qui sera mise en oeuvre par ce nouvel ovni, alors même que le nombre de radicalisés augmente. La Miviludes était une petite instance ; il était facile de la sacrifier. Mieux vaut être gros et produire un gros déficit, car alors, too big to fail ! Pourtant, 383 églises potentiellement déviantes avaient été signalées ces dix dernières années. On évoque une augmentation des situations judiciarisées. En avril, un pasteur coréen, David Song Young-Chan, a été mis en examen pour viol. Même chose pour un prêcheur à Colombes. À Draveil, une cinquantaine de plaintes ont été déposées contre une église évangélique pour une escroquerie qui atteint 2 millions d'euros. Avec une stratégie d'expression agressive, les églises évangéliques jouent sur le réflexe communautaire auprès de personnes peu insérées dans la société. Le modèle se développe, avec de petites églises autonomes tenues par des pasteurs autoproclamés. L'Église universelle du royaume de Dieu conduit ses adeptes à changer de traitements médicaux. D'autres légitiment la violence. Monsieur le ministre, je suis, pour toutes ces raisons, très étonnée du transfert de la Miviludes. Cela me paraît une mauvaise idée, d'autant que le document transversal sur la lutte contre la radicalisation retrace l'ensemble des mesures et des crédits consacrés à cette action par tous les ministères, pour un résultat plutôt aléatoire. La Miviludes est un point de repère et je regrette cette décision. Le groupe UC votera néanmoins les crédits. 
 
9. MISSION « Action extérieure de l’Etat » 
 
  • Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances . - Les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » sont stables en valeur pour 2020, à hauteur de 2,9 milliards d'euros. Cette stabilité apparente masque en réalité une augmentation des crédits de paiement de 1,1 % à périmètre constant, puisque le programme consacré à la présidence française du G7 prend fin le 31 décembre 2019. L'évolution des crédits de la mission se situe en deçà de celle des dépenses totales de l'État, qui augmentent de 2 % en valeur entre 2019 et 2020. C'est dans la suite des efforts engagés sur cette mission depuis quelques années. Les évolutions à la hausse correspondent essentiellement à l'augmentation de 24,6 millions d'euros de la subvention de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), à la dynamique des dépenses de personnel pour 9,3 millions d'euros ainsi qu'à la progression des dépenses immobilières à l'étranger pour 7,4 millions d'euros. À l'inverse, les évolutions à la baisse correspondent à une économie de constatation de 7,6 millions d'euros sur les contributions internationales, liées aux opérations de maintien à une diminution de 8 millions d'euros des dépenses de protocole ainsi qu'à la baisse d'un certain nombre de subventions allouées aux opérateurs - Atout France, alliances françaises, Institut français. La masse salariale de la mission augmente légèrement à 9,3 millions d'euros, soit 0,96 % en 2020, en raison de l'effet change-prix sur les indemnités de résidence à l'étranger et de l'effet prix sur les rémunérations des agents de droit local. Par ailleurs, l'effet du glissement vieillesse-technicité (GVT) sur la masse salariale de la mission, près de 9 millions d'euros, est beaucoup plus important que les années précédentes ; selon le Gouvernement, c'est dû à la requalification des agents de droit local sur des postes plus qualifiés, mais ces explications ne nous satisfont pas : qu'en est-il, monsieur le ministre ? Les effectifs de la mission diminuent en 2020 de 81 équivalents temps plein (ETP), c'est 47 sur l'ensemble des missions, une réduction répartie entre les différentes catégories de personnel - titulaires, contractuels, agents de droit local. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 prévoit pour la première fois un mécanisme de provision des effets de change-prix sur la masse salariale, qui devrait permettre de limiter la sur-exécution chronique des dépenses de personnel et de rendre plus sincères les prévisions budgétaires. L'immobilier à l'étranger est un sujet qui nous préoccupera ces prochaines années : la chute importante des produits de cessions, qui traduit notamment l'épuisement du volume de ventes potentielles, fait peser un risque important sur le budget de la mission pour les années à venir et pourrait conduire à une dégradation du patrimoine immobilier du ministère. Rémi Féraud et moi-même avons reçu la réponse du ministre, à laquelle nous avons répondu à notre tour. Il y a désaccord ou incompréhension entre Bercy et le ministère des Affaires étrangères : sur le décalage entre l'indemnité théorique et l'indemnité versée. Il a été inventé par Bercy... Nous souhaitons creuser ce point. Quand des critères favorisent une hausse des rémunérations, elles augmentent. Quand elles baissent, il semblerait qu'on limite cette baisse, comme cela se passe ailleurs qu'au ministère des Affaires étrangères : monsieur le ministre, est-ce le cas ? Ne doit-on pas aller vers une imposition des rémunérations à l'étranger ? Ce ne serait pas aberrant. Je propose une adoption des crédits de la mission.
  • Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - Les crédits de la diplomatie d'influence augmentent en 2020 après une baisse drastique sous le précédent quinquennat. Cela recouvre cependant des disparités. Le relèvement de la subvention de l'AEFE était très attendu après la coupe franche de 2017. L'homologation de nouveaux établissements, cependant, ne laisse pas d'inquiéter : ne sacrifions pas la qualité ni le soutien aux structures existantes. La stratégie « Bienvenue en France » n'a pas donné lieu à une augmentation de la dotation de Campus France. Il faut se donner les moyens de nos ambitions, si nous voulons atteindre l'objectif d'accueillir 500 000 étudiants internationaux d'ici 2027. Le ministère n'est pas en mesure de nous expliquer la non-revalorisation des crédits alloués aux bourses. Je passe sur l'état déplorable de certains bâtiments de l'Institut français, comme à Mexico. Le rapprochement de l'Institut français avec l'Alliance française semble bloqué sur le terrain : le ministère ne peut-il jouer tout son rôle dans cette affaire ? Ainsi l'augmentation des crédits de l'AEFE a un effet d'éviction sur les autres opérations de notre politique d’influence. Après une discussion nourrie, la commission de la culture a donné, de justesse, un avis défavorable aux crédits du programme 151. 
  • Olivier Cadic . - Le programme 105 prévoit une hausse des crédits, à 1,7 milliard d'euros. Les contributions obligatoires de la France sont cependant abaissées à 676 millions d’euros. La France est le cinquième contributeur à l'ONU. Mais notre contribution volontaire, à 45 millions d'euros, est à la quinzième place mondiale : on risque une perte d'influence. Le réseau diplomatique est doté de 621 millions d'euros. Nous soutenons la modernisation des postes, sans altérer l'action de nos diplomates. Mais c'est l'érosion de notre patrimoine qui m'inquiète. On vend les bijoux de famille pour financer notre train de vie. Les moyens existent, à condition de changer les règles de la comptabilité publique, pour donner de l'autonomie à nos chefs de poste : notre consul à Addis-Abeba a réussi à dégager des recettes pour financer l'entretien de sa résidence, il y a bien des marges dans ce sens. Nous avons de plus en plus d'expatriés et de moins en moins de moyens. C'est le fameux effet ciseaux. Les 206 postes consulaires ne sont pas suffisants. Il y a un repli permanent. Quelle sera la carte consulaire dans dix ans ? Si l'intégralité des recettes de visas était affectée au réseau consulaire, le programme ne coûterait pas un sou au contribuable. Je soutiens sans réserve l'objectif du président de la République de doubler le nombre d'enfants scolarisés dans les établissements français à l?étranger d'ici 2030. Dans ce but, vous avez augmenté la subvention de l'AEFE de 24,6 millions d'euros. Mais Bercy veille : en portant la réserve de précaution de 3 à 4 %, il a réduit la dotation réelle de l'État à 16,15 millions d’euros. Pour conclure, un mot sur votre action, monsieur le ministre : je n'entends que des éloges à votre égard et voulais vous en féliciter. 
  • Jean-Marie Mizzon . - La coopération culturelle et linguistique est un vecteur important d'influence - « l'un des trois piliers fondamentaux de notre politique étrangère globale », avez-vous dit, monsieur le ministre. La promotion de la langue française dans le monde et la valorisation du réseau d'enseignement français à l'étranger constituent une composante majeure de notre diplomatie, et notre commission de la culture y est très attachée. En 2020, la subvention pour charge de service public de l'AEFE sera de 408,6 millions d'euros. Nous nous en réjouissons, alors que la ponction de 33 millions d'euros à l'été 2017 a été très mal vécue par le réseau. Il faudra trouver un équilibre entre développement du réseau et soutien des structures existantes. Un autre grand plan est censé permettre à notre pays de rayonner à l'étranger, le plan « Langue française et plurilinguisme ». Alors qu'il est en grande partie piloté par l'Institut français de Paris, nous nous inquiétons du mauvais signal envoyé par la non-reconduction, certes annoncée, des moyens supplémentaires accordés en 2019 à l’Institut... Comme l'a indiqué son président lors de son audition, des arbitrages seront nécessaires entre les missions de l'organisme, du fait du manque de moyens. Ce plan, monsieur le ministre, est-il remis en question ? Nous nous réjouissons cependant de la clarification des rôles entre l'Institut français et les alliances françaises. Cependant, le rapprochement physique des deux opérateurs, boulevard Raspail, reste une vive source d’inquiétude. Un mot, enfin, sur l'audiovisuel extérieur ; la présidente de la commission de la culture, Mme Morin-Desailly, ne cesse d'alerter sur la baisse constante de ses crédits. Néanmoins, le groupe UC votera l'adoption des crédits de cette mission dans sa majorité.
 
10. MISSION « Aide publique au développement » 
 
  • Jacques Le Nay . - La mission « Aide publique au développement » connaît une hausse substantielle de ses crédits que nous saluons, bien que la trajectoire s'éloigne des objectifs fixés par le président de la République, sans parler de l'objectif des Nations-Unies de 0,7 % du RNB. Le déséquilibre demeure entre les prêts et les dons, ce qui entraîne un écart sensible entre les pays auprès desquels nous intervenons : les pays les plus « profitables » sont favorisés. L'augmentation des crédits de dons aurait-elle été difficile à absorber pour l'AFD ? Les autorisations d'engagement augmentent considérablement compte tenu de la participation française à plusieurs dispositifs internationaux. Cela est une bonne chose, mais à condition que cela ne conduise pas à limiter nos actions bilatérales. L'aide publique au développement de la France doit en effet être pleinement intégrée dans sa politique étrangère - M. Philippe Bonnecarrère l'a dit lors du débat sur les migrations. Plusieurs régions sont en proie à une situation qui risque de nuire à la France : il faut agir sans attendre. J'ai participé récemment à Madagascar à un déplacement interparlementaire inédit. Nous y avons observé les différentes actions menées par l'AFD. Les acteurs nous ont dit qu'ils avaient besoin de visibilité à long terme. Comme Jean-Pierre Vial et Marie-Françoise Perol-Dumont, nous aimerions connaître l'agenda de l'examen du projet de loi d'orientation promis. Ce sera l'occasion de redéfinir la stratégie de notre AFD. Le groupe UC votera majoritairement les crédits.
 
11. MISSION « Santé » 
 
  • Élisabeth Doineau . - Année après année, cette mission se résume toujours davantage à un débat sur l'AME qui absorbe quasiment la totalité de l'enveloppe dédiée à la santé : 82 % cette année contre 45 % en 2012. Cela s'explique sans doute par le manque de sincérité de tous les gouvernements, la mission n'ayant jamais été abondée à hauteur des besoins. Le rapport de l'IGAS d'octobre dernier relève pourtant que l'AME n'est pas un outil de la politique migratoire. Je salue la plus grande sincérité budgétaire de l'AME ainsi qu'un meilleur pilotage. La position de notre rapporteure est mesurée : l'AME participe à la politique publique de prévention sanitaire. Un droit de timbre serait contreproductif, il retarderait les prises en charge et reporterait le coût induit sur les urgences. L'AME est et restera une aide indispensable, au rapport bénéfice-risque avantageux. Je déplore le mauvais signal que le Gouvernement a envoyé au Parlement en introduisant sa réforme par amendement la nuit précédant l'examen de la mission « Santé » par l'Assemblée nationale. Certes, vous attendiez le rapport de l'IGAS et l'IGF. Ce rapport rejette une réduction du panier de soins, à laquelle elle préfère un délai d'ancienneté pour bénéficier de certains soins financés par l’AME. Il faut surtout simplifier les procédures et améliorer les échanges d'informations entre les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et les hôpitaux. Le conditionnement de l'accès aux soins devra laisser une marge aux soignants, sinon il y aura une explosion des dépenses de santé et des épidémies. Je défendrai un amendement avec mon collègue Longeot : la maladie de Lyme est l'une des dix maladies infectieuses les plus courantes en France. Mais elle divise la communauté scientifique. La recherche contre les maladies vectorielles à tique doit être financée. Je plaide pour 5 millions d'euros ; c'est peu mais c'est une première étape. Le groupe de l'Union Centriste votera les crédits de la mission tels qu'adoptés par la commission des affaires sociales.
 
12. MISSION « Solidarité, insertion et égalité des chances » 
 
  • Élisabeth Doineau . - Le 13 septembre 2018, le président de la République annonçait son intention de rénover le système des minima sociaux afin de promouvoir une réelle égalité des chances. Les crédits de la mission augmentent de 6,7 %, portés par la réévaluation de l'AAH et de la prime d'activité, avant la mise en place du revenu universel d'activité. L'examen budgétaire revêt un rôle plus que jamais central. Le programme 157 regroupe les crédits consacrés à l'AAH, en hausse de 2,5 % par rapport à 2019, à 12,2 milliards d'euros. Toutefois, le projet de loi de finances ne prévoit qu'une augmentation maîtrisée de 0,3 % de l'allocation, ce qui invite à la prudence. Une sous-réévaluation induit un risque de décrochage. Nous sommes réservés sur l'absorption de l'AAH dans le RUA. Le programme 304 concerne la prime d'activité, qui est devenue une dépense majeure du soutien au pouvoir d'achat des plus modestes. Le passage au RUA est censé se faire à enveloppe constante. Cette méthode est-elle vraiment crédible, si le taux de recours à la prime, actuellement de 50 %, augmentait ? Vous lancez une campagne d'expérimentation. C'est bien. Mais les départements souhaitent que les nouvelles dépenses sortent des accords de Cahors qui limitent les dépenses de fonctionnement des départements. De nouvelles expérimentations, ce sont de nouvelles dépenses. En ce qui concerne les mineurs non accompagnés, je réitère ma demande : la compétence doit être assurée par l'État car les départements n'arrivent pas à proposer des solutions satisfaisantes d'hébergement et de prise en charge par des psychocliniciens, pour soulager les traumatismes psychologiques de ces jeunes. Je regrette que le programme 137 soit reconduit en 2020 dans un montant similaire à 2019. Je soutiendrai l'amendement de M. Mouiller qui vise à rétablir les crédits amputés. Le groupe UC votera les crédits de cette mission, en espérant que le Gouvernement entendra nos appels à la vigilance.
 
13. MISSION « Recherche et enseignement supérieur » 
 
  • Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Nous avions publié un rapport avec la commission des affaires étrangères sur la recherche spatiale, que je vous invite à lire, si vous ne l'avez déjà fait, madame la ministre. Mais c'est un budget dépourvu d'ambition, dans l'attente de la loi de programmation. La recherche stagne autour de 2,2 % du PIB depuis les années 1990 ; nous dépensons deux fois moins que l'Allemagne. Nos politiques sont illisibles, avec la multiplication des intervenants. Saluons la persévérance et la pugnacité de nos chercheurs. Quelle est la cohérence des aides individuelles à l'innovation de BPI France ? Ou des pôles de compétitivité au milieu du gué, ballotés entre État et régions ? Cela relève du ministère de l'Écologie, mais faites passer le message ! Je m'étonne du taux de réserve des crédits. Je pense notamment aux 30 millions d'euros de crédits d'intervention de l’ANR. Le GVT fait du personnel la variable d'ajustement. Arrêtons avec cette logique mortifère ! Notre commission des affaires économiques votera les crédits de la mission. Madame la ministre, le Parlement attend une loi de programmation ambitieuse, à la hauteur des enjeux, qui donne du souffle à notre écosystème de recherche et d'innovation, afin que notre pays puisse garder sa place dans le concert des grandes nations. Dans cette attente, la commission a émis un avis favorable, nous voterons ce budget. 
  • Laurent Lafon . - Le budget « Recherche et enseignement supérieur » pour 2020 est le troisième que vous nous présentez, madame la ministre. Il est donc à considérer au regard des projets que vous avez lancés depuis trois ans, la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE), la réforme des études de santé et le plan Bienvenue en France, pour l'accueil des étudiants étrangers. L'enseignement supérieur fait face à une augmentation des effectifs étudiants liée au boom démographique de l'an 2000. Votre budget en tient compte seulement en partie, il est insuffisant pour maintenir un budget par étudiant stable. Les universités sont confrontées à des difficultés budgétaires importantes. L'augmentation des effectifs sera suivie d'une baisse à partir de 2025. Si l'État n'augmente pas mécaniquement les budgets, espérons qu'il ne les baisse pas quand les effectifs diminueront ! La hausse du nombre d'étudiants s'ajoute à l'impact des réformes mises en place. Vous engagez une phase de dialogue avec les présidents d'université, avec une enveloppe de 50 millions d'euros à répartir. La prise en compte du GVT ne sera pas automatique. S'il n'est pas choquant que vous ayez un dialogue individuel de gestion avec chaque université, il est frustrant pour nous de voter cette ligne budgétaire sans plus de précision ! Nous souhaitons que vous nous fassiez un retour lorsque ce dialogue sera achevé. Nous pourrons ainsi mesurer l'efficacité de cette phase. Le parc immobilier universitaire est pour partie vétuste et inadapté aux exigences de la transition écologique. Il nécessite un effort de rénovation important, que les universités ne peuvent fournir seules. Je n'ose rêver d'une grande mobilisation des collectivités territoriales comme lors du plan Universités 2000. Mais quelle enveloppe est prévue par l'État pour les futurs contrats de plan ? Quelles instructions sont données aux préfets et recteurs ? Quel est le calendrier de dévolution aux universités de leur patrimoine ? Je présenterai un amendement à ce sujet lorsque nous examinerons la mission relative au patrimoine de l’État. Nous nous inquiétons de la décision du Conseil constitutionnel sur les droits d'inscription. Espérons que le Conseil d'État apportera une réponse rassurante. Le PLF 2020 comprend une diminution des crédits d'impôt des donateurs, décision prise sans étude d'impact. Quels sont les montants, les établissements concernés ? L'outil statistique de l'enseignement supérieur et insuffisant, notamment en comparaison de celui de l'éducation nationale. Nous ne pourrons pas apprécier l'impact de certaines réformes, ni le taux de réussite en première année de licence, ni le nombre de places en BTS-IUT. L'événement dramatique de Lyon a placé au coeur de l'actualité le niveau des aides étudiantes et leur adaptation aux besoins. La réponse, malgré l'émotion, ne se limite pas à des crédits budgétaires. Espérons qu'une analyse des dispositifs sera faite rapidement. Le budget 2020 est d'attente, avant la loi de programmation. Nous voulons une rémunération correcte des chercheurs, coordonnée avec le privé. Nous regrettons l'augmentation du taux de réserve de précaution sur la recherche et espérons que vous obtiendrez gain de cause auprès de Bercy. Le groupe UC votera les crédits.
 
14. MISSION « Economie » 
 
  • Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques . - Le guichet cohésion numérique commence enfin son activité deux ans après son annonce, sans que soit précisé le suivi des solutions alternatives. Les industriels sont au rendez-vous du plan France très haut débit. Le plus gros reste à faire : les zones rurales ne sont couvertes qu'à 15 %, les villes moyennes à 53 % et les zones denses à 85 %. Après 2022, comment seront-elles couvertes ? Le Gouvernement propose de rouvrir le guichet sur les réseaux d'initiative publique, mais il n'accorde les autorisations qu'au compte-goutte, donc le compte n'y est pas. La commission proposera un amendement pour y remédier, en portant les moyens à hauteur des besoins. Dans le domaine de l'internet des entreprises, la reprise de Kosc semble difficile. Cela ne risque-t-il pas de mettre à mal un écosystème fragile ? 
  • Jean-Pierre Moga . - La mission « Économie » laisse un sentiment mitigé sur la politique du Gouvernement. Elle illustre le risque du « en même temps » : on passe du positif - l'augmentation des crédits de la mission et le plan France très haut débit - à la déception lorsqu'on se rend compte que cela passe par la suppression du Fisac. Il faut une ambition et des outils performants pour l'ensemble du territoire. La France a souffert, comme d'autres pays développés, de la désindustrialisation : 25 % des emplois industriels ont été supprimés depuis 2000, le secteur est passé de 24 % des emplois en 1980, à 12,6 % en 2016. L'État pourrait y remédier, mais il se comporte davantage comme un État pompier que comme un État stratège - Valérie Létard le montre dans son rapport sur la sidérurgie. Les aides pour la création d'entreprises et l'innovation et la recherche devraient être renforcées. Nous saluons les objectifs et les financements du plan France très haut débit. C'est l'arbre qui cache la forêt, mais c'est un bel arbre qui mérite de grandir. Pour les zones sous-denses, il est heureux que le Gouvernement rouvre le guichet Cohésion numérique. Nous regrettons en revanche l'extinction du Fisac, dont nous pouvons tous témoigner de l'utilité dans les communes rurales et les centres-bourgs qui ne sont pas concernés par les opérations de revitalisation de territoire (ORT) d'Action coeur de ville. Malgré ces aspects négatifs, le groupe UC votera en faveur de cette mission.
 
15. MISSION « Remboursements et dégrèvements, engagements financiers de l’Etat, investissements d’avenir » 
 
  • Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la commission des finances . - Pour ma part, je citerai mon père qui disait : « Il vaut mieux devoir que de ne pas pouvoir rendre ». Avec ses 38 milliards d'euros, la charge de la dette, troisième mission du budget général, équivaut au budget de la Défense. Certes, elle baisse de 6 %, mais uniquement grâce à la diminution des taux d'intérêt. L'encours de dette négociable est, lui, en progression de 4,5 %. Fin 2019, la dette constituera 98,7 % de notre PIB, nous éloignant toujours plus de nos partenaires européens. Incapable de tenir ses engagements, la France doit continuellement se justifier auprès des institutions européennes. Paraphrasant Milan Kundera, notre ancien collègue Philippe Marini évoquait « l'insoutenable légèreté de la dette ». On peut me traiter de Cassandre, mais il est indispensable de conserver des marges de manoeuvre pour, en cas de crise financière, agir sans risquer le surendettement. Les taux bas ont une action anesthésiante : le réveil pourrait être douloureux. Philippe Dallier réclamait des scenarii sur la remontée des taux mais les divers instituts se sont renvoyé la patate chaude, et personne n'a voulu s'y atteler. Notre commission va devoir s'en saisir dans le cadre de son prochain programme de contrôle. Monsieur le ministre, la reprise de la dette hospitalière qui vient d'être annoncée représente 10 milliards d'euros ; se fera-t-elle sous les mêmes modalités que celle de SNCF Réseau ? La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte de concours financier sans modification. En réalité notre marge de manoeuvre est très faible sur cette mission, mais j'insiste sur l'effet anesthésiant des taux bas. Il n'est pas bon de s'endetter pour pas cher : un jour, il faudra payer. 
  • Sylvie Vermeillet . - La mission « Remboursements et dégrèvements » est la plus importante, en volume, du budget général de l'État. Son augmentation de 6 milliards d'euros par rapport à 2019 s'explique par la mise en oeuvre du prélèvement à la source, du dégrèvement de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages et par la suppression du CICE. C'est surtout la conséquence d'une politique fiscale que la multiplication des dérogations foisonnantes rend à la fois illisible et injuste. La mission « Engagements financiers de l'État » couvre, pour 99 % des crédits, les intérêts de la dette publique, laquelle atteint 98 % du PIB, et 40 points de plus que l'Allemagne et 40 points de plus qu'il y a douze ans. Je salue à cet égard le travail, alarmant mais lucide, de Nathalie Goulet. La baisse de la charge de la dette est nullement le fruit d'efforts de notre pays pour réduire ses dépenses et se désendetter, mais d'une politique de taux bas. D'ailleurs, la dette augmente en valeur absolue, de 1 806 milliards à 1 891 milliards : c'est un fardeau pour les générations futures qui n'y auront jamais consenti. Un euro sur quatre de dépense publique sera financé par elle. L'impôt d'aujourd'hui ne sert pas à désendetter l'État mais à financer de nouvelles dépenses... Non seulement nous vivons à crédit, mais nous obérons notre capacité d’investissement. Dans un contexte d'incertitudes, il serait plus que jamais indispensable de commencer le désendettement à hauteur de 5 points de PIB, conformément aux engagements du président de la République. Le PIA, doté de 10 milliards d'euros pour sa troisième édition, poursuit un objectif louable, mais il faut l’évaluer. Le groupe UC adoptera les crédits de ces missions. 
 
16. MISSION « Gestion des finances publiques et des ressources humaines, crédits non répartis, action et transformation publiques, régimes sociaux et retraite » 
 
  • Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances . - La mission « Régimes sociaux et de retraite » couvre les besoins de financement de dix régimes spéciaux de retraite déséquilibrés démographiquement. La SNCF et la RATP en absorbent les deux tiers, à quoi s'ajoutent par exemple le régime des mines ou celui des marins. On compte 0,65 actif pour un retraité à la SNCF contre 1,13 actif pour un retraité au régime général. Les régimes de la Seita, de l'ORTF - et de la SNCF depuis cette année avec la réforme ferroviaire - sont dits fermés car ils n'ont plus de nouveaux cotisants. La contribution de l'État sera en 2020 de 6,2 milliards d'euros. Elle est stable car les régimes fermés dégagent des économies. Nous sommes inquiets quant à l'impact du Brexit sur le régime des marins : le risque n'est pas provisionné et pourrait être colossal. Les subventions de l'État compensent des déséquilibres mais également, il faut le dire, financent des avantages : 400 millions d'euros annuels pour la RATP et 570 millions d'euros pour la SNCF, selon la Cour des comptes. Les roulants RATP cotisent 117 trimestres, les roulants SNCF 127, contre 170 pour les cotisants du régime général... Le niveau des pensions a augmenté entre 2010 et 2018 de 16 % à la RAPT et de 12,5 % à la SNCF, contre 1,8 % dans la fonction publique territoriale. Pourquoi la solidarité nationale finance-t-elle de pareils avantages ? Les régimes spéciaux ont un fondement légitime et une histoire, mais il faut fixer des limites, car il s'agit de fonds publics ! Un montant de 59,6 milliards d'euros est inscrit en 2020 au compte d'affectation spéciale « Pensions », qui retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires. La revalorisation sera différenciée : 1 % pour les pensions inférieures à 2 000 euros, 0,3 % au-delà de 2 000 euros. Les recettes augmentent moins vite que la masse salariale de l'État, en raison des primes, non cotisées, et de la déformation de l'emploi public, car le nombre de contractuels a considérablement augmenté. Les cotisations des fonctionnaires sont quasi équivalentes à celles des salaires du régime général. La part des primes représente 43,4 % du salaire des fonctionnaires de catégorie A+, elle est de 33,9 % chez les policiers et 12,6 % chez les enseignants. Comment faire converger les droits, demain, avec une pareille disparité, si les primes doivent entrer dans la base de cotisation ? J'ajoute qu'au-delà des six derniers mois, on ne dispose pas de la mémoire de la rémunération versée aux fonctionnaires. Nous avons donc deux problèmes majeurs : l'obstacle technique pour recueillir les informations et le délai de transition nécessaire pour maintenir les droits attendus sans les décapitaliser. Sur le compte d'affection spéciale « Pensions », il y aura cette année un solde cumulé de 1,4 milliard d'euros. L'excédent pourrait atteindre 30 milliards d'euros en 2030, ce qui fait de ce compte d'affectation spéciale un acteur majeur de l'équilibre global du système. La commission des finances vous propose l'adoption de ces crédits. 
  • Vincent Delahaye . - Sylvie Vermeillet a rappelé que les régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF coûtaient un milliard d'euros par an ; Éliane Assassi a abordé la lutte contre la fraude fiscale. Sur ce plan, je dois reconnaître les progrès réalisés depuis un an. Il en reste à faire sur celui de la fraude sociale. On augmente continuellement les moyens publics : il faut toujours en rajouter... mais si cela apportait le bonheur, nous en serions les champions du monde ! L'intitulé « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est mal adapté puisqu'il n'y a pas de gestion, pas plus que des ressources humaines. En présentant le programme Action publique 2022, le Premier ministre avait dessiné trois priorités : alléger, simplifier, rapprocher du terrain. Dire c'est bien, faire c'est mieux... Saluons toutefois quelques progrès : dématérialisation des prélèvements fiscaux, mise à jour automatique de la situation fiscale, création d'un guichet unique de dédouanement, création de maisons France Service dans chaque canton d'ici à 2022. N'oublions jamais que si l'État peut gouverner de loin, il ne peut le faire correctement que de près. Emmanuel Capus l'a dit, le président de la République s'était engagé à supprimer 50 000 emplois de la fonction publique d'État. Désormais, on en annonce 10 500, et cette année, on en supprime 47... C'est modeste, voire ridicule. Nous sommes bien loin de dégraisser le mammouth, pour reprendre l'expression de Claude Allègre. Beaucoup reste à faire sur les contrats et les carrières, à commencer par faciliter le recrutement de contractuels. Ils ne sont que 17 % en France, contre 58 % en Allemagne, 92 % au Royaume-Uni et 98 % en Suède ! Le temps de travail a été fixé par décret à 1 607 heures. En réalité, dans la fonction publique, il manque 40 heures annuelles en moyenne ; multiplié par le nombre de fonctionnaires, cela fait beaucoup ! Je vous encourage donc à une vraie gestion des ressources humaines, en facilitant notamment le passage d'une fonction publique à une autre. Nous voterons ce budget qui reste contenu, sincère et régulier. Les budgets en augmentation ne sont pas toujours les meilleurs.
 
17. MISSION « Défense » 
 
  • Olivier Cigolotti . - Le tragique accident survenu au Mali le 25 novembre nous rappelle la cruauté du monde. Le groupe UC s'incline face au courage de ces hommes. Les crises se multiplient, leur intensité croît et leur nature évolue. Notre engagement au Mali et en Afrique de l'Ouest est nécessaire, et nous devons être vigilants sur notre travail contre le terrorisme. Notre engagement ne peut fléchir. Ce budget est au rendez-vous des engagements, avec une hausse de 1,7 milliard d'euros de moyens à la Défense, avec des crédits de paiement en hausse de 4,5 %, de 37,5 milliards d’euros. Cette remontée en puissance permettra de nouveaux équipements, comme le sous-marin d'attaque de nouvelle génération « Suffren », 128 Griffon, quatre blindés Jaguar et un avion ravitailleur supplémentaire. Le cyber, l'intelligence artificielle et le renseignement sont de nouveaux champs d'investigation, avec 300 nouveaux ETP. Ce budget est remarquable par son effort de sincérité et de budgétisation. Nous espérons que l'exécution budgétaire sera meilleure. Mais le coût des OPEX pour le programme 178 reste incertain. Le principe de solidarité financière interministérielle, que le Sénat a inscrit dans la LPM, est essentiel. Mais nous sommes d'éternels insatisfaits : le niveau de sollicitation de certains équipements a largement été supérieur à la LPM, et la technologie rend plus coûteuse la rénovation du matériel, avec une disponibilité moindre. Nous regrettons que les crédits d'entretien baissent de 3,72 %. Nous déplorons aussi que la disponibilité opérationnelle soit réduite. Les entraînements sont inférieurs de 10 % aux obligations fixées. Le MCO est insuffisant pour préserver la capacité de nos armées à intervenir sur les théâtres d’opérations. La politique de santé, la rémunération, les retraites, le plan Famille sont essentiels pour fidéliser les militaires, comme la mise en place du wifi en garnison et l'aide au déménagement. Alors qu'on approche le dixième anniversaire des accords de Lancester House, et malgré les incertitudes du Brexit, il est essentiel de maintenir notre coopération avec le Royaume-Uni. Avec l'Allemagne, le SCAF doit rester un fondement de notre coopération et nous souhaitons que les obstacles, notamment industriels, soient surmontés. Ces remarques sont constructives. En ce jour anniversaire de la bataille d'Austerlitz, le groupe UC votera les crédits de la mission. 
 
18. MISSION « Cohésion des territoires » 
 
  • Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances . - Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » progresse en autorisations d'engagement de 4,9 %. Deux nouveautés sont à signaler. D'abord, la création de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) dotée de 50 millions d'euros dont 10 millions d'euros fléchés sur l'ingénierie territoriale. Nous nous en félicitons, même si ces crédits sont insuffisants. Cette agence qui rassemblera plusieurs structures coordonnera l'action de l'État, avec pour délégués territoriaux les préfets de chaque département. L'agence répond à une forte attente, mais des doutes subsistent sur son efficacité. Les territoires ruraux ont besoin d'ingénierie pour réduire leurs inégalités. Je proposerai de rehausser les crédits affectés et de mieux les flécher. Il conviendra aussi d'évaluer le niveau d'efficacité sur le terrain. Donnons à cette agence toutes ses chances de réussite. Seconde nouveauté, la mise en place des maisons France Service, dotées de 2,8 millions d'euros, issues d'une labellisation des maisons de de services au public (MSAP). Nous sommes favorables au développement de l'offre de service, mais avec un financement approprié, surtout si ces maisons devaient assumer de nouvelles missions liées à la disparition de trésoreries. La prime à l'aménagement du territoire (PAT) a quasiment disparu avec une baisse inopportune de 4 millions d'euros, alors que l'enjeu financier est inexistant et que l'effet levier de cette prime est réel : elle a été qualifiée, dans une évaluation en 2017, « d'outil solide et pertinent pour soutenir le développement économique des territoires fragiles ». J'ai déposé un amendement au nom de la commission des finances pour un retour à la situation de 2019. Les zones de revitalisation rurale (ZRR) ont fait leurs preuves dans les territoires ruraux. Avec mes collègues Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau, nous avons proposé, dans un rapport, des améliorations ciblées et une prorogation du dispositif jusqu'en 2021, en attendant la nouvelle géographie prioritaire voulue par le Premier ministre. Nous proposerons un amendement à ce sujet. Les contrats de projet État-région (CPER), dotés de 123 millions d'euros, seront renégociés. La nouvelle génération de contrats devra intégrer l'offre de soins, l'agriculture, la forêt, et l'adaptation au contexte climatique, la recherche d'une meilleure coordination entre État et les régions au service de la solidarité infrarégionale. Je me félicite qu'une seconde génération de contrats de ruralité soit envisagée, conformément à mes propositions. Leur dilution dans des contrats uniques de cohésion territoriale aurait compromis la prise en compte des enjeux ruraux. Enfin, les pactes de développement territorial dotés de 11 millions d'euros devront trouver une déclinaison sur le territoire national. Quatre actions du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » sont reconduites : le programme d'investissements en Corse, le plan Littoral 2021, le plan pour le marais poitevin - en extinction et doté uniquement de crédits de paiement - et le plan Chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, pour lequel nous proposerons une revalorisation des crédits. Ce programme comporte deux nouvelles actions : le plan interministériel de transformation de la Guyane et la reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire. La politique d'aménagement du territoire de l'État est dispersée entre douze missions et 29 programmes. Chacun aurait à gagner au développement d'une politique nationale plus cohérente et mieux articulée. Ce pourrait être le rôle de l’ANCT. Je vous propose de voter les crédits pour les programmes 112 et 162. 
  • Jean-François Longeot . - La hausse du budget est de 6 % en autorisations d'engagement, 4,7 % en crédits de paiement. La mise en place de l'ANCT sera l'occasion de nouvelles actions territorialisées, et d'une amélioration des services publics de proximité, avec la labellisation France Services de quelque 460 structures. À la veille d'un nouvel acte de décentralisation qui doit consacrer la notion de différenciation, l'ANCT doit être au service des collectivités et de leurs projets de cohérence. Il y faudra des moyens supplémentaires si l'on veut atteindre l'objectif de 2021 : que chaque citoyen ait accès à un service public en moins de trente minutes. Le faible montant de la PAT témoigne d'une stratégie d'érosion progressive, dommageable car c'est un outil d'attractivité efficace. La suppression du Fisac retire des montants précieux aux territoires ruraux les plus isolés. Je suis inquiet face à l'avenir incertain des ZRR. C'est l'une des conséquences malheureuses de la loi NOTRe. Plus de 4 000 communes sortiront du zonage au 1er juillet 2020 alors que leur situation ne s'est pas améliorée. L'allongement du délai de six mois voté par l'Assemblée nationale est trop court pour une vraie réforme. 
  • Valérie Létard . - Deux ans après la loi ELAN, et dans le cadre des réformes en cours, 1,4 milliard d'euros d'économies sont réalisés par l'État sur le logement. C'est bien, mais cela ne complique-t-il pas la progression vers l'objectif, la création de 110 000 nouveaux logements entre 2020 et 2022 et un accroissement de 25 % des rénovations ? Vous avez reconnu la nécessité d'une revoyure. L'article 8 du projet de loi de finances prévoyait une baisse de TVA sur le logement social. Le Sénat a défendu un taux à 5,5 % pour la rénovation du logement social. C'est un bien commun de la Nation. Il est porteur d'une dynamique positive. Il faut donner de la lisibilité à la politique du secteur. La méthode de réforme des APL sans guère d'études d'impact interroge. L'intégration de l'APL au RUA aurait des conséquences significatives. Quelque 9 milliards d'euros sont mobilisés pour Action Logement, mais pour l'instant, il n'y a pas de concrétisation, même après le drame de la rue d'Aubagne à Marseille. Le comité des partenaires d'Action Logement n'est toujours pas installé ; on attend toujours certaines mesures nécessaires à sa gouvernance. Le plan d'investissement volontaire (PIV) est plus que jamais nécessaire. Le Sénat serait fondé à évaluer la réforme d'Action Logement au titre du contrôle de l'application des lois. Quid du prélèvement de 500 millions d'euros d'Action Logement au bénéfice du FNAL ? L'ANAH a performé sur tous ses secteurs. L'agence a augmenté son action de 5 % en 2019. Le budget de l'ANAH risque d'être insuffisant en 2020 et a fortiori en 2021, car ses missions s’amplifieront. On affectait à l'ANAH l'an dernier 500 millions d'euros de recettes de quotas carbone ; vous les plafonnez à 420 millions d'euros cette année, alors qu'elles sont au total de 800 millions d’euros. Bercy devrait vous laisser les mains libres pour une massification de la rénovation thermique ! Sauvez notre modèle de logement social !
 
19. MISSION « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » 
 
  • Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Ce budget ne prend pas la mesure de la détresse de nos paysans. À quand un grand plan agricole ? Sur le revenu, la PAC, les normes, les aides au changement, nous en sommes au même point que l'an dernier. Les agriculteurs manifestent pour dénoncer cette inertie. Si aucun incident n'est encore à déplorer, cela pourrait ne pas durer. Il faut fixer un cap. Nos agriculteurs évoluent dans un marché mondial et ont un impératif de compétitivité. Pourquoi ne pas pérenniser le dispositif TO-DE dès cette année ? Notre système de sécurité sanitaire d'excellence est confronté à la pression exercée par les risques sur les produits alimentaires que nous importons, car ils n'ont pas les mêmes garanties sanitaires que celles que nous exigeons de nos produits. Il faut renforcer les contrôles inopinés pour garantir une concurrence loyale. La France dépense 0,3 euro par habitant et par an sur les contrôles sanitaires, contre 1,7 euro en Belgique et 2,4 euros au Danemark. Des déserts vétérinaires se développent dans les territoires ruraux. Le recrutement stagne, avec des spécialisations sur les animaux de compagnie et un recours accru à des vétérinaires formés à l'étranger : 43 % des primo-inscrits à l'ordre national ! Pourtant, quelque 95 % des étudiants ayant suivi des stages tutorés se sont installés en zone rurale, au bénéfice des animaux d'élevage. Des solutions existent, mettez-les en place. 
  • Anne-Catherine Loisier . - La filière forêts et bois est plus fragile que jamais. Nos forêts meurent à petit feu pour des raisons sanitaires et économiques : plus aucun territoire, plus aucune essence n'est épargnée et cela nous conduira à devoir augmenter nos importations. Il faut rendre nos forêts plus résilientes. La France, forte de 17 millions d'hectares, n'est pas assez consciente de l'importance d'une forêt régénérée, productrice de bois d'oeuvre, d'énergie renouvelable et puit de carbone. D'autres - Chine, Russie, Australie - investissent massivement dans leurs forêts. Nous proposons le maintien des crédits du CNPF : ses 450 ETP ne sont pas de trop pour aider les 3 millions de propriétaires. La France, riche d'une forêt multifonctionnelle de 17 millions d'hectares, créatrice de 400 000 emplois, ne considère pas encore sa ressource forestière à la hauteur de ses bienfaits. Cette négligence se traduit dans le budget 2020. Le Gouvernement propose une baisse de 2,5 % des crédits ! Si ceux destinés à la forêt publique, à travers l'ONF, sont maintenus, il n'en est pas de même pour la forêt privée qui représente pourtant les deux tiers des surfaces forestières. Le fonds forêt et bois n'est doté que de 18,6 millions d'euros ; c'est loin des promesses faites. Les professionnels craignent un sylvi-bashing. Nous avons besoin de bois pour construire. Il faut accompagner, via le fonds stratégique, la filière bois dans sa transformation. À défaut, monsieur le ministre, laissez-lui sa fiscalité ! Je propose la création de certificats de captation carbone pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone et relancer nos forêts via l'investissement financier. Le Gouvernement n'a-t-il pas d'ambition pour la forêt française ? Le groupe UC ne votera pas ces crédits, à l'exception du compte d'affectation spéciale «Développement agricole et rural ». 
  • Jean-Marie Janssens . - La fin de 2019 est, comme en 2018, marquée par un mouvement de contestation de la part des agriculteurs. Le malaise paysan est profond. Nombre d'entre eux vivent dans une situation de précarité et souffrent de la concurrence déloyale d'autres pays, pris en tenailles entre l'exigence de qualité et la guerre des prix. Dans ce contexte, le budget pour 2020 est stable, avec 3 011,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2 957,8 millions d'euros en crédits de paiement, mais en baisse de 10 % par rapport à 2018. La loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 a acté cette réduction sensible. La compensation de la baisse de la PAC, par un soutien aux revenus des agriculteurs, le renforcement de la sécurité sanitaire de notre territoire et de nos aliments, conformément aux recommandations de la commission des affaires économiques - en particulier en cas de Brexit - sont des priorités. À ce titre, 320 EPT sont créés pour renforcer les contrôles sanitaires aux frontières. C'est un point positif. La formation et l'accompagnement des jeunes, ainsi que l'innovation, représentent la troisième priorité de ce budget. Malgré cet affichage, les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce budget peine à répondre à deux exigences fondamentales : améliorer le présent en garantissant un revenu décent et préparer l’avenir. Les épisodes climatiques dramatiques sont de plus en plus fréquents, mais le budget 2020 ne les anticipe pas. Pour ces raisons, le groupe UC ne votera pas ces crédits.
 
20. MISSION « Relations avec les collectivités territoriales » 
 
  • Loïc Hervé, rapporteur pour avis de la commission des lois . - La commission des lois ne s'oppose pas, cette année, à l'adoption des crédits, les baisses constatées étant dues à des mesures de périmètre. Mais elle a émis des réserves sur le contexte d'une instabilité chronique et d'une perte de lisibilité sur le financement des collectivités territoriales. Il est possible de douter de la sincérité d'une compensation de la taxe d'habitation à l'euro près. La réforme des indicateurs financiers est prématurée, son impact est encore inconnu. Ce n'est pas normal, il faut prévoir un temps d’adaptation. Les dotations d'investissement ou de fonctionnement ne sont pas attribuées avec l'accord des élus. Il faut les associer à l'attribution de la DSIL. Une commission départementale rapprocherait les acteurs et établirait une stratégie commune. Nous refusons la tentation « recentralisatrice » de l'État dans l'attribution des dotations, que nous constatons encore une fois, via les grands projets d'investissement ou les contrats de Cahors. Notre commission a adopté un amendement sur le coefficient d'intégration fiscale et la dotation d'intercommunalité, dont les modalités de répartition ont une incidence directe sur l'organisation institutionnelle du bloc communal. La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et adopté neuf amendements sur les articles rattachés. 
  • Françoise Gatel . - Entre 2014 et 2017, nous avons connu une baisse sans précédent des dotations et une réforme territoriale hasardeuse qui nous a estourbis. Le budget reste stable. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente seulement 3 % des transferts financiers de l’État. Ce projet de loi de finances prévoit l'automatisation du FCTVA. La création de communes-communautés a suscité des craintes. La dotation globale ne pourra être inférieure à la somme des dotations des communes antérieures. Nous voilà rassurés. L'enveloppe de la DETR diminue. Je salue l'idée de créer une commission départementale des investissements locaux. La valeur réelle de la dotation de compensation va baisser. Il y a un risque de perte sèche pour les collectivités territoriales. Les élus locaux ont beaucoup d'espoir sur l'augmentation de leur dotation particulière après les annonces du Gouvernement. Le Premier ministre a annoncé au Congrès des maires qu'elles seraient doublées pour les communes de moins de 200 habitants et augmentées de 50 % sur les communes de moins de 500 habitants. Je salue cette avancée même si nous sommes loin du compte. Lors de la discussion sur l'article 26 du projet de loi de finances, nous avons compris que l'argent proviendrait des départements et régions, ce qui nous a laissés perplexes. Nous les remercions de cette dotation à l'insu de leur plein gré. La bonification des dotations aux intercommunalités, quand il y a transfert de compétences, est une bonne idée quand la compétence est exercée par l'intercommunalité. Je soutiens l'amendement du rapporteur en garantissant une neutralisation financière des restitutions de compétences des EPCI aux communes membres. Ce serait abracadabrantesque que l'intercommunalité garde la bonification. La compétence est exercée par la commune ! En acceptant cette neutralisation, vous feriez le premier pas du projet de loi Différenciation des collectivités territoriales. Il ne peut y avoir de différenciation si les moyens ne sont pas donnés. La taxe d'habitation représente 36 % des ressources des communes et des EPCI. Certes, elle est inéquitable, mais les taxes foncières le sont aussi, et certes, le Gouvernement promet une compensation intégrale, mais chat échaudé craint l'eau, même chaude. Compensation ne signifie pas pérennisation. En outre, cela heurte le principe d'autonomie des collectivités territoriales. Sur le plan philosophique, la disparition de la taxe d'habitation anéantit le lien entre l'habitant et sa commune, c'est-à-dire le civisme. La vie est faite de nuances, cependant. Nous avons des points de satisfaction. Le groupe UC votera les crédits de la mission.
 
21. MISSION « Outre-Mer » 
 
  • Jocelyne Guidez, en remplacement de Mme Nassimah Dindar, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales . - J'interviens au nom de Nassimah Dindar. La mission outre-mer ne représente qu'un peu plus d'un dixième environ de l'effort budgétaire de l'État pour l’outre-mer. La commission des affaires sociales est satisfaite du maintien des crédits de la mission au-dessus du seuil symbolique de 2,5 milliards d'euros. Le budget comprend notamment la compensation des exonérations de charge à l'Acoss. Nous nous inquiétons de la baisse des crédits qui lui sont souvent affectés. Les crédits du logement baissent aussi de 3,15 %. La ministre entend distinguer les opérations de construction et de réhabilitation pour adapter la politique du logement aux besoins. Nous exprimons néanmoins une inquiétude : la situation en outre-mer, en particulier en Guyane et à Mayotte, où l'explosion démographique est forte, appelle la construction de nombreux logements neufs. Les besoins sanitaires et sociaux sont également élevés : ils nécessitent des crédits conséquents et plus finement pilotables. La commission des affaires sociales a donné un avis favorable. 
  • Gérard Poadja . - Je salue le travail des rapporteurs sur cette mission en particulier celui de mes collègues centristes, Mme Nassimah Dindar et M. Nuihau Laurey. Ce rendez-vous annuel nous permet de nous prononcer sur la concrétisation budgétaire des engagements du Gouvernement envers les outre-mer, pris notamment dans le cadre du livre bleu et de répondre à des problèmes conjoncturels. L'effort de l'État ne se réduit cependant pas à cette mission « Outre-mer », qui rassemble seulement 10 % des crédits de l'État pour l’outre-mer. Les dispositifs fiscaux sont-ils toujours adaptés ? Fonctionnent-ils ? Pour le SMA, je réponds par l'affirmative et me réjouis de l'embauche de 135 personnes en cinq ans pour cette action, dont 35 en 2020 et de la création d'une nouvelle compagnie à Bourail en Nouvelle-Calédonie. Les règles de fonctionnement des dispositifs doivent être revues pour être plus efficaces. Dans un contexte économique fortement dégradé, les aides aux entreprises sont indispensables, et elles ont baissé fortement. Les investisseurs sont découragés. J'ai déposé un amendement pour que vous déléguiez votre pouvoir au Haut-Commissaire de Nouvelle-Calédonie. Votre ministère et Bercy prenez plus de deux ans pour instruire un dossier de défiscalisation. C'est décourageant ! Les investisseurs ne viennent plus en Nouvelle-Calédonie. Hormis l'achat de quatre Airbus, la défiscalisation est au point mort. Les avantages sur l'impôt sur les sociétés dans l'Hexagone doivent être transposés outre-mer. Ne plombez pas l'intérêt des entreprises pour les outre-mer. Les conditions d'attribution des aides aux ménages, notamment les seuils retenus, ne sont pas adaptées à la vie chère calédonienne. Cette année, 600 étudiants ont été exclus des bourses. Or les familles n'ont qu'un faible reste à vivre et ne peuvent financer les billets d’avion. En première lecture à l'Assemblée nationale, vous avez d'ailleurs assoupli le cadre de la continuité territoriale funéraire. Les habitants souhaitent plus d'aides à la mobilité. Les collectivités territoriales sont exclues à tort de certains dispositifs fiscaux mais aussi du Fonds vert.
 
22. MISSION « Culture » 
 
  • Sonia de la Provôté . - Le budget 2020 de la culture est un budget de transition et de paradoxe. Une politique culturelle nationale ne saurait se faire au détriment des politiques locales ; même constat pour le patrimoine. Tout mérite une égale attention de l’État. Les crédits de la mission culture sont en hausse, soulagement dans le contexte actuel. Dans le programme 124, une part importante est centrée sur deux dispositifs, Pass Culture et Micro-Folies, qui doivent encore faire leurs preuves. Les crédits pour le Pass Culture ponctionnent des politiques structurelles du ministère. Fonctionnement et médiation des Micro-Folies sont à la charge des collectivités territoriales. Les écoles d'art subissent une baisse de 14 % pour les écoles territoriales et la recherche n'est toujours pas une priorité. Le plan Conservatoire annoncé depuis deux ans n'a toujours pas abouti. Sans critères formalisés ni orientation claire, les collectivités territoriales ne voient pas venir cette liberté tant attendue. Les DRAC ont peu de souplesse. L'écrêtement des crédits pour l'enseignement artistique et culturel (EAC) est regrettable. Le 100 % d'enseignement artistique et culturel repose beaucoup sur la bonne volonté des établissements scolaires et les collectivités territoriales qui en sont les grands financeurs. L'EAC à 100 %, c'est quoi, et pour quel coût ? Pour le programme 131, même constat d'une répartition inégale des crédits sur le territoire : 7,5 millions d'euros pour le Centre national de la musique (CNM), tandis que la Cité du Théâtre est budgétisée en crédits de paiement à 7 millions d'euros. Ces deux projets, même attendus, pèsent dans le budget. Les résidences d'artistes sont aidées, mais moins le spectacle vivant et les arts visuels. L'accompagnement des scènes publiques locales hors label n'est pas clarifié. Pour le patrimoine, le budget 2020 est en légère hausse, mais inégalement réparti sur le territoire. Il y a une grande injustice ressentie entre Paris et la province. Je note une diminution de 5 % des aides aux collectivités territoriales et propriétaires privés pour la restauration des monuments historiques, alors qu'ils disposent du plus grand nombre de bâtiments en péril. Nous soutenons un amendement de la commission des finances à ce titre.
 
23. MISSION « Médias, livre et industries culturelles » 
 
  • Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - La presse rencontre une crise du lectorat, autant qu'une crise morale puisque l'information produite par des professionnels est sans cesse remise en cause sur les réseaux sociaux. Il fallait les traiter. En 2019, le Sénat et vous-même, monsieur le ministre, ont été à la manoeuvre avec les droits voisins, même si l'attitude frustrante de Google appelle une réponse au niveau européen. Où en est la négociation ? La situation de Presstalis n'est pas résolue. Quel est son avenir ? On ne le saura pas tant que les questions de ses fonds propres négatifs et de périmètre de ses activités restent ouvertes. Ne laissez pas, sur ces deux points, la situation se dégrader : toute ambiguïté aurait des conséquences mortelles. Le budget est stable, mais ne représente que 20 % du soutien à la presse, qui atteint 540 millions d'euros. Vos annonces ont inquiété la presse régionale, mais ont été jugées insuffisantes par les chaînes de télévision : c'est dire que le sujet est épineux. L'impulsion donnée par le nouveau président de l'AFP semble porter ses fruits. L'État a alloué 17 millions d'euros à l'agence, dont 6 millions pour cette année. La commission de la culture a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 180. 
  • Catherine Morin-Desailly . - Je félicite notre rapporteur Jean-Pierre Leleux pour l'excellence de son travail. Ce budget est le dernier avant la grande réforme que nous attendons de longue date, vu l'urgence qu'il y a à adapter notre audiovisuel public à la nouvelle donne numérique. Je suis satisfaite que le Gouvernement ait pris en considération des préconisations du rapport Leleux-Gattolin. Il faut repenser la gouvernance, avec une holding, mais aussi le modèle économique. Il faut moderniser la contribution à l'audiovisuel public pour garantir la prévisibilité des ressources et libérer l'audiovisuel public des dotations d'État. Le ministre de l'Action et des comptes publics avait envisagé de supprimer la contribution à l'audiovisuel public en même temps que la taxe d'habitation. Nous nous y étions opposés, tout comme vous, monsieur le ministre. Indexée, désindexée, la contribution à l'audiovisuel public ne cesse de faire le yoyo ; cette année, elle baisse d'1 euro - même pas le prix d'un café. Si vous voulez alléger la fiscalité, attaquez-vous plutôt à l'impôt sur le revenu plutôt que de baisser la contribution à l'audiovisuel public d'1 euro, même pas un café sur un an ! Vous mettez en cause la légitimité de ce qui reste une contribution en échange d'un service identifiable, équivalent à un abonnement à une chaîne payante ou une plateforme VOD. (M. David Assouline applaudit.) Le groupe UC est dans l'incompréhension, d'autant que notre redevance est la plus faible d'Europe. Oui, il faut faire des gains de productivité mais aussi avoir des marges de manoeuvre pour se moderniser, atteindre une masse critique. L'intelligence artificielle coûte cher ! Les autres grands médias internationaux, comme la Deutsche Welle, voient leurs financements augmenter. Ceux de France Médias Monde diminuent, alors que c'est un outil de rayonnement dans la guerre froide de l'information. Je comprends la réaction de la commission des affaires étrangères. Nous avons besoin d'un audiovisuel extérieur fort et veillerons à ce que sa place dans la future holding soit préservée et renforcée. 
  • Laurent Lafon . - M. Laugier, dont je salue le travail, a brossé un tableau d'ensemble du secteur de la presse. Les grands opérateurs et les pouvoirs publics ont pris la mesure du choc numérique et commencé à s'y adapter. Nous avons voté la loi sur la modernisation de la distribution et la loi sur les droits voisins, tout en regrettant de n'avoir pu adosser Presstalis à un autre opérateur. Je m'interroge aussi sur les conséquences en région de la contraction des aides versées à La Poste. La loi sur les droits voisins était un signal fort ; la réaction de Google et Facebook montre que ce n'est que le début du bras de fer. Le soutien public à la presse demeure substantiel, les aides directes sont concentrées sur la presse IPG, qui a le plus souffert. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep) se dit satisfaite de son budget, Presstalis est soutenue à bout de bras par l'État, qui vient de lui prêter 90 millions d'euros. Idem pour l'AFP qui percevra une aide de 6 millions d'euros en 2020. Les crédits du programme 334, très large, augmentent surtout en raison de la dotation d'amorçage du CNM. Je regrette que la promulgation de la loi ait été tardive. Si les 7,5 millions inscrits sont un premier pas encourageant, nous sommes loin des 20 millions d'euros dont le CNM aura besoin. Comment son budget sera-t-il pérennisé ? Comment nous assurer que les collectivités territoriales, qui animent et financent la politique musicale dans les territoires, ne seront pas les grandes oubliées ? L'inéluctabilité de la baisse des dépenses du CNC montre que nous arrivons au bout d'un cycle. À défaut de financement privé, le CNC devra se résoudre à soutenir moins de projets. La BNF représente 70 % des crédits du programme et aura du mal à boucler le budget des travaux du site Richelieu. Cela rappelle à quel point le mécénat sera vital pour la culture. N'en réduisons surtout pas la voilure fiscale. Le groupe UC votera ce budget. 
 
24. MISSION « Justice » 
 
  • Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois . - Les crédits de la mission « Justice » augmentent de 2,8 %, hors CAS « Pensions », pour atteindre 9,38 milliards d'euros. C'est 205 millions de plus que l'année dernière, mais l'évolution est moindre qu'en 2019 où elle était de 4,5 %. Le programme « Justice judiciaire » est, au sein de la mission, celui qui augmente le moins : 0,13 %, ce qui ne couvre même pas l'inflation. Cependant, l'effort de réduction des vacances de postes se poursuit : leur taux n'est plus que de 0,5 % chez les magistrats mais reste de 7 % chez les greffiers. La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice porte de nombreuses réformes d'organisation judiciaire. On ne peut accepter que certaines d'entre elles dépendent de considérations électorales. Je songe à la suppression de cabinets de juges d'instruction, sur l'objectivité de laquelle une note de votre cabinet, récemment révélée par la presse, jette le trouble… Les crédits de l'aide juridictionnelle baissent de 22 millions d'euros à périmètre constant, sans raison. De plus une réforme précipitée a été votée par l'Assemblée nationale, sans étude d'impact, alors que le Gouvernement annonce un projet de loi. Il y a des mesures intéressantes mais la méthode est contestable : vous voulez supprimer l'obligation d'un bureau d'aide juridictionnelle dans chaque TGI et renvoyez à l'administration la définition des plafonds. Sans étude d'impact, le coût d'une telle réforme n'est pas connu. Je proposerai donc la suppression de l'article 76 terdecies. La commission des lois a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. 
  • Sylvie Vermeillet . - Le budget présente des évolutions positives. Pourtant, nos commissions des finances et des lois proposent de le rejeter ; c'est une première. Commençons par le positif. Le budget de la mission augmente de 4 %, plus de 1 500 emplois seront créés, le taux de vacance des postes de magistrats sera ramené à 0,9 %, les services pénitentiaires d'insertion et de probation seront renforcés avec 400 ETP et les programmes immobiliers poursuivis. L'administration pénitentiaire bénéficie de la part la plus importante des efforts. Cependant l'application des peines, ce talon d'Achille de la justice, est le parent pauvre du budget. 145 emplois sont prévus pour accompagner la création de nouvelles places de prison, les crédits de la sécurité pénitentiaire sont en forte augmentation. J'en viens aux doutes. Nous nous interrogeons sur l'intérêt de la création du parquet antiterroriste - le Parquet de Paris sait mobiliser rapidement des magistrats - ainsi que de créer une Agence nationale du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice : le peu d'appétence du groupe UC pour les agences est connu. Quelques points d'attention enfin. Les crédits ne font pas tout. Plutôt que de se complaire dans les débats de société, les assauts de brio intellectuel, la justice a besoin d'humilité et de ténacité. Pour reprendre les termes de la commission des affaires étrangères lors de l'examen de la loi de programmation militaire, nous avons besoin d'une justice à hauteur d’homme. Madame la ministre, votre ministère gagnerait à une culture du management et de la transversalité. Il ne suffit pas, loin s'en faut, de multiplier les réformes pénales et d'augmenter les crédits pour améliorer l'efficacité de la justice. Le groupe UC votera donc contre les crédits de la mission « Justice ».
 
25. MISSION « Travail et emploi » 
 
  • Sylvie Vermeillet . - Les crédits de paiement sont maintenus cette année à 12,7 milliards d'euros. Deux programmes sont en hausse et deux sont en baisse. Le programme 102 baisse de 1,55 %. Le programme 155 baisse de 2,96 %. En son sein, l'action porte sur la politique ressources humaines en augmentation de 4 %, celle concernant les affaires immobilières baisse de 100 % et les crédits de personnes pour l'accès et le retour à l'emploi en diminution de 5,7 %. Cela interroge. Et les programmes 103 et 111 voient leurs crédits de paiement augmenter : de 8 % pour le programme 103 et de 13 % pour le programme 111 avec l'effort du PIC, mais au détriment - 24 % - de l'action « Anticipation économique ». Il est heureux qu'au sein du programme 111, les crédits destinés au dialogue social augmentent de 36 %. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé l'apprentissage : les régions ne financent plus les centres de formation d'apprentis (CFA) et le canal de financement passant par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage » (FNDMA) n'a plus lieu d’être. Jusqu'à cette année, une fraction de 51 % du produit de la taxe d'apprentissage versée par les entreprises transitait par le CAS FNDMA et était redistribuée aux conseils régionaux sous forme de « ressource régionale pour l'apprentissage ». L'ensemble de la taxe d'apprentissage sera désormais affecté à France compétences et aux opérateurs de compétences, qui financeront les CFA sur la base d'un financement « au contrat ». Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit donc la suppression du CAS FNDMA. Par ailleurs, l'État avait mis en place plusieurs dispositifs d'aides à destination des apprentis et de leurs employeurs, ces aides pouvant prendre la forme d'aides directes, d'exonération d'impôt ou de cotisations sociales et être financées par crédits budgétaires ; ou par d'autres moyens : ressources fiscales affectées, dépense fiscale. À compter du 1er janvier 2019, la loi a prévu le remplacement des quatre dispositifs d'aide aux employeurs d'apprentis par la nouvelle aide unique, fixée dans ce projet de loi de finances à 662 millions d'euros. Celle-ci remplace des aides auparavant financées par les régions, ce qui explique l'augmentation de ce budget. Un financement complémentaire d'un montant de 218 millions d'euros sera versé aux régions en compensation de son transfert. Ce financement est assuré par un prélèvement sur les recettes de l'État d'un montant de 72,6 millions d'euros, complété par une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) prévue par le projet de loi de finances pour 2020 à hauteur de 156,9 millions d’euros. Les régions seront également destinataires de deux enveloppes distinctes pour financer les dépenses de fonctionnement et d'investissement des CFA. Cet accompagnement financier est jugé insuffisant par « Régions de France », qui attendait 369 millions d'euros pour assurer la neutralité financière de la réforme de l'apprentissage et près de 250 millions pour participer au financement des CFA les plus fragiles. Il serait utile que ces crédits soient pluriannuels, pour que les régions gardent de la visibilité. Actuellement les régions n'échangent pas sereinement avec France compétences, la transaction est compliquée, faute d'instance de dialogue. Au-delà des calculs de compensation budgétaire, l'État devrait organiser les échanges afin de faciliter le transfert de la compétence. En espérant être entendu, le groupe UC votera conformément à l'avis des rapporteurs.
  PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020 - EXPLICATION DE VOTE SUR L’ENSEMBLE
  • Nathalie Goulet . - Nous voici parvenus au terme de la première lecture du projet de loi de finances 2020. Le Sénat a fait quelques économies en rejetant les crédits des missions « Justice », « Sécurité », « Écologie », « Immigration » et « Agriculture » - cette dernière n'était certainement pas le budget des agriculteurs.
    Principal point positif, la baisse de la pression fiscale. La justice fiscale est fortifiée par la baisse de 5 milliards d'euros d'impôt sur le revenu en faveur des classes moyennes, qui se traduira par un gain de pouvoir d'achat de 300 euros pour 17 millions de foyers. La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages représente, elle, un gain de 700 euros.
    La démarche de sincérisation du budget se poursuit avec un toilettage de nombreuses niches et microtaxes. Nous nous en réjouissons.
    Ce budget donne le coup d'envoi de la réforme de la fiscalité locale, qui paraît bien calibrée, avec la revalorisation des valeurs locatives et le renforcement du mécanisme de garantie du montant de fraction de TVA affectée aux départements.
    Le groupe UC a contribué, avec des fortunes diverses, au débat sur la réforme de la fiscalité. Nous saluons la mise en place du dispositif LexImpact. À notre initiative, le Sénat a voté le rabais de quinze à dix ans du délai de rappel fiscal - même si nous ne nous faisons guère d'illusions sur son sort, sachant qu'il en coûterait 450 millions d'euros.
    En deuxième partie, le groupe UC a approuvé la stabilisation de la plupart des missions, c'est un effort louable dans le contexte actuel. Nous saluons l'effort en direction de nos compatriotes d'outre-mer à l'initiative de Gérard Poadja, notamment l'éligibilité de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française au fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif.
    Les articles non rattachés ont donné lieu à des débats riches, et à quelques avancées, comme le maintien de l'avantage fiscal lié au mécénat d'entreprise ou le prolongement du PTZ en zone B2 et C.
    Si l'examen de toutes les missions ayant un lien avec l'écologie le même jour est un progrès, nous ne pourrons pour autant faire l'économie d'un débat clair sur la fiscalité verte. Il faudra l'organiser rapidement.
    Selon que vous serez puissant ou misérable, vos cavaliers budgétaires seront ou non recevables...
    Le Sénat a voté le dispositif de collecte des données publiques issues des réseaux sociaux à l'article 57, avec un bornage bienvenu. Je forme le voeu que l'Assemblée nationale écoute le Sénat.
    Je crains qu'elle ne rétablisse en revanche le recours aux ordonnances prévu à l'article 61, que le Sénat a supprimé.
    J'espère que le dispositif antifraude aux dividendes sera cette année maintenu en l'état.
    Il faudrait, monsieur le ministre, tirer les leçons du rapport de la Cour des comptes sur la fraude fiscale, notamment à la TVA, estimée entre 15 milliards d'euros et 20 milliards d'euros. Nous attendons toujours les logiciels de détection précoce annoncés par M. Darmanin.
    La fraude à la TVA concerne aussi le e-commerce : il est temps de mettre de l'ordre dans ce Far West fiscal. C'est ce que fait l'amendement 1196 qui prévoit le paiement scindé ou split payment.
    Au total, le Sénat a fait des propositions et voté un texte sérieux. Le groupe UC le votera, en espérant qu'il prospérera à l'Assemblée nationale.