Les débats

Françoise Férat, Jean-Claude Luche 01/10/2019

«DÉBAT : RÉGRESSION DE LA PLACE DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE SUR LES MARCHÉS INTERNATIONAUX»

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  • Françoise Férat . - Dans les années quatre-vingt-dix, la France était le deuxième exportateur agricole dans le monde ; elle se classe désormais à la sixième place. Nos parts de marché sont passées de 7,7 % en 2000, à 4,8 % en 2019, soit le plus fort recul mondial en dix ans, alors que l'Allemagne et les Pays-Bas ont maintenu leurs positions. CETA, Mercosur, surtranspositions, surcroît de charges, telles en sont les raisons que nous connaissons bien. Même si la désinformation va grandissante avec l'agribashing et les approximations des journalistes en herbe, les consommateurs doivent savoir que la France continue de bénéficier de la meilleure agriculture du monde. Informons-les ! D'où la pétition que j'ai signée pour rétablir l'inscription du pays de production des produits alimentaires, dans le cadre de la campagne « Eat originals ». Si l'on joue au même jeu mais pas avec les mêmes cartes, la partie est perdue. Tous les deux jours, un paysan français se suicide. Il ne s'agit pas d'un jeu. Comment mieux informer et éduquer les consommateurs de la qualité de l'agriculture française ? 
  • Didier Guillaume, ministre. - L'an dernier, plus de 300 agriculteurs se sont suicidés, certes pas uniquement pour des raisons agricoles. Nous travaillons sur le sujet avec la MSA. J'aurais réussi mon passage au ministère si je pouvais réduire ces suicides. La coupure entre ruraux et urbains n'est plus acceptable. Il faut que les urbains cessent de montrer les agriculteurs du doigt. Quant à la traçabilité, elle est essentielle. La concurrence que nous subissons est, à 95 % interne à l'Union européenne, fruit du dumping social et fiscal. D'où l'importance d'une montée en gamme européenne.
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  • Jean-Claude Luche . - Notre agriculture n'est pas concurrentielle : charges, coût de la main-d'oeuvre, de mise aux normes et autres contraintes en sont responsables, même si c'est au bénéfice de la sécurité alimentaire. Pourtant, il y a bien un domaine où nous sommes compétitifs, c'est sur la qualité de nos produits - et pour le faire savoir davantage, il faut rendre transparente la provenance sur l'étiquetage des produits transformés. Le logo « fabriqué en Aveyron » - qui a tenu son premier salon ce week-end - est pionnier en la matière : il indique au moins 50 % des matières premières en provenance du département. Cela peut tout changer. Allez-vous faire évoluer les pratiques ?
  • Didier Guillaume, ministre. - Nous avons tous le même objectif : retrouver de la compétitivité, remplacer les 150 000 agriculteurs qui partiront à la retraite dans la prochaine décennie ; 12 000 nouveaux agriculteurs se sont installés en 2018 - un record ! Mais cela suffira-t-il ? Monsieur Luche, l'Aveyron a pu mettre en place ce logo grâce à une montée en gamme, avec le roquefort notamment. Mais tous les départements ne peuvent pas se le permettre car il n'y a pas une agriculture ; il y en a plusieurs. Je le dirai demain à la foire de Clermont-Cournon, il faut un étiquetage pour toutes les agricultures.